22 février 2013

Le cuisto de la semaine, Fluctuat nec mergitur

Par JBS


Le ciel a, depuis plusieurs jours, épuisé la quantité d’eau capable d’être déversée en discontinu sur notre région et ses habitants. Le soleil revenu a mis en évidence le retour des jours qui s'allongent vraiment, et séché, comme larmes d’un chagrin de crocodile, les terrains pourtant bien imprégnés de Musard. Pas de message sur le blog, fin de la quarantaine, cap sur l’ovale.
Après une période de sevrage interrompu par le déplacement chez nos amis les Archi de Pau, une quinzaine de valeureux castors trépigne dans le vestiaire à l’idée des courses folles et des envolées à venir. La Fourche affiche la banane des grands jours comme s’il avait remporté un oscar à Hollywood. Il faut dire qu’on l’aime beaucoup à La Fourche et qu’on aime le voir heureux.

Commence alors ce que d’aucun appellent « l’entrainement » mais que l’Archiball toujours lucide et foncièrement honnête appelle « va courir ». Vous n’entendrez  jamais un Archiball dire « ce soir je vais m’entrainer », il préférera de loin un « putain ce soir je vais courir ». Car l’Archiball sait conjuguer. Arrivé dans son trou, la question lui sera posée par les empêchés de courir du jour ou les finis de courir définitivement – T’as couru ce soir ? – Ouaih et on a super-bien couru !
Il y a dans ce « va courir » un parfum de liberté, de légèreté et de plaisir qui peut recouvrir la forme amène mais néanmoins rebelle de « va te faire voir » : va te faire voir avec les contraintes du boulot, des impôts, des pensions des ex, des emmerdeurs en tout genre. Ce soir, je « va courir » car l’Archiball même s’il sait conjuguer, ne conjugue pas toujours.

Dans toutes les pratiques sportives sérieuses, l’entrainement est obligatoire. Nous ne rappellerons jamais assez que pour l’Archiball le « va courir » est totalement facultatif, dépendant de sa disponibilité et de son bon vouloir. Ses congénères portent cependant un intérêt particulier à son désir réel de partager avec eux.
L’entrainement, prépare le corps à affronter pour une durée déterminée, les efforts et contraintes spécifique, inhérents à la discipline pratiquée.  Pour ce qui concerne l’Archiball, quelques tours de terrain suffisent amplement, voir, pas de tour de terrain du tout.
Dans notre discipline Rugbystique, l’entrainement consiste généralement, en l’exécution  d’exercices destinés à améliorer les techniques individuelles et collectives, en prenant en compte tous les compartiments du jeu. Pour ce qui concerne l’Archiball, une séance à toucher suffit amplement. Aidé par son instinct grégaire, il sera, grâce à la science du jeu qu’il a emmagasinée tout au long de sa carrière, capable par la suite de réactiver ce savoir lors des matches qui lui seront proposés. Il lui faudra cependant, généralement une mi-temps, avant de restituer la quintessence de ce savoir faire.

C’est donc le cœur léger que la triple poignée de chanceux du jour peuvent s’adonner a cette pratique délicieuse du touché pas touché, avec une certaine réussite. La balle vole de mains en mains, tombe parfois il est vrai, mais la qualité de l’ensemble est de bonne facture. Dans ce contexte pré-printanier, La Fourche a retrouvé tout son allant, il semble même léger La Fourche, comme gonflé à l’hélium. Il effleure le sol de Musard comme une ballerine la scène du Grand Théâtre. La voix de Lolo tonne comme à l’accoutumé, reprise en échos par son alter ego Loulou, enfin revenu parmi nous. Un certain nombre d’essais plus tard et à l’heure qui convient, la troupe rejoint la douche, incapable de dire qui a gagné, vu que Guy n’est pas là.

Au trou, le premier contact après avoir poussé la porte est olfactif. Monte en effet, en effluves vigoureuses, une prégnante odeur d’épices. Ce stimuli, tout en rassurant immédiatement sur le sérieux du cuistot du soir, réveille nos glandes salivaires, les mettant dans les meilleures conditions pour accueillir la première gorgée de bière, celle qui descend tous les étages de nos œsophages, en nous arrachant un irrépressible aaaahhhh de bonheur.

A la cambuse, c’est l’Amiral Roro qui tient la barre. L’Amiral c’est le champion de l’éclectisme culinaire. Il en a goûté sous toutes les latitudes et prend plaisir à nous en faire profiter, chaque fois que l’occasion se présente. Il attaque avec la soupe de poisson, celle qui nous  a sauté aux narines à notre arrivée. Les assiettes son généreusement remplies compte tenu de la petite chambrée du jour. Les croûtons et le râpé sont là à profusion, mais la rouille fait défaut. Des ingrats le manifestent sans vergogne à leur bienfaiteur. Pour compléter le sujet sur la rouille, ils rappellent en chanson à Jacky,  l’état pitoyable dans lequel il garde sa 4L.  Roro et Jacky répondent aux fâcheux que s’ils ne sont pas contents, ils peuvent toujours expérimenter les pratiques sexuelles du mariage gay. Ils préfèrent finalement se servir une deuxième assiette.
Confectionnées avec amour par Nicole, suivent les « rillettes à maman », elles remportent un succès unanime en disparaissant promptement, escamotées par les Houdini de la fourchette. Jacquouille synthétise le sentiment de tous par cette phrase sublime : Voilà un cochon qui n’est pas mort pour rien !

Tout droit venu de l’Océan Indien arrive alors le Rougail saucisse, plat emblématique de l’île de La Réunion. La saucisse blanchie bien mijotée avec tomate, oignon, ail, gingembre, curcumin, piment, curry, nous est proposée dans sa version haricots rouges. Comme par miracle, le niveau sonore du brouhaha habituel, chute d’un coup de moitié. Le cliquetis des couverts et les onomatopées de satisfaction répondent par l’affirmative à l’interrogation du cuistot qui se demande toujours si ses copains sont contents de lui.

Le lancer d’assiette s’effectue sans difficulté particulière, rappelant que dans la catégorie, deuxième latte à l’ancienne, certains sont capables d’une grande précision dans la passe. Le bon fromage au lait et la tarte réglementaire concluent la partie solide de ce festin.
What Else comme à l’accoutumé remplit sa mission, et les tasses à café. Pour parachever ce festin, notre Amiral, dit, à tort, de la flotte, sort de la Sainte-barbe une bouteille d’Irish Cream collectée auprès de Roy Maguire, président de Clonakilty. Faudra-t-il  diligenter une enquête pour analyser le contenu de ladite bouteille ? Toujours est il qu’après en avoir absorbé, Réchaud & frigo partent en vrille et se mettent à délirer sur la venue au monde de Pioupiou. Selon eux, un peu comme pour la PMA mais sans intermédiaires, ce dernier aurait été conçu dans une chambre froide, ce qui expliquerait son allure de type nordique… Il aurait dans un premier temps reçu le prénom de Björk, mais les parents se seraient ravisés, craignant que la profession du père ne pousse des mauvais plaisants à le rebaptiser, jambon Björk

Les conversations roulent bon train jusqu'à ce que le trou se vide peu à peu. Après avoir fait voyager leurs papilles, les castors retrouvent le pavé Bordelais et rejoignent leurs pénates en rêvant au prochain  épisode de leur saga sans fin.

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