01 février 2013

Le cuistot de la semaine, paella nam style

Par Le Barde


Deux poignées valent mieux qu’une tu l’auras. Deux poignées de joueurs. Chaque poignée est composée de huit joueurs. Deux étranges poignées, j’en conviens. C’est un peu comme le mouton à cinq pattes. Mais je m’en moque, c’est une image. Rien qu’une image. Un bon barde aime les images, les allégories, les métaphores.  Il n’y a que ceux qui jouent des coudes avec les certitudes qui cherchent la petite bête là où elle n’est pas.

Ce fut une belle partie de toucher. Guitou cru prendre les meilleurs. Ce n’était qu’une illusion. Après quelques minutes favorables, le réel reprit ses droits. Et ses adversaires flambèrent. Surtout Léo. Vif, imprévisible, à l’affût, virevoltant, il fit tourner la tête aux bougres d’en face. Walid compris. La vérité du pré, il n’y a que ça. Comme il n’y avait qu’Alain, cela ne râlait guère. Exit Dudu (aux fourneaux) et Titi (où es-tu mon pinson ?).

Au trou, il y avait un gros trou. On laissa la place vide à côté de Pépé. La faute à cette putain de camarde, à laquelle on ne pardonnera pas sa faute de goût. Sous la conduite d’Arnaud, nous levâmes un verre du côté du ciel.

Aux fourneaux, Dudu. La paella et Dudu, ne font qu’un. Voilà des années que cette fusion intime opère. Elle opéra une fois de plus. Mais avant la Paella, une soupe de poisson. Rien à dire. J’ignore si elle avait des relents ibériques, mais elle était seyante à souhait avec ses petits croûtons, ses lamelles de gruyère et sa rouille qui ne nous joua aucun tour. Jean-Phi tirait un peu la gueule. Le Grand Corbin avec la soupe de  poisson n’est manifestement pas sa tasse de thé. Les cultures, les clichés, c’est de la daube. Et chacun de faire la nique aux idées reçues. Jean-Phi itou, mais du bout des lèvres.

Elle était nickel la paella de Dudu. Rien n’y manquait. Elle avait de l’âme. Juan Carlos opina du chef dès sa première bouchée. Gilbert est grand et Dudu est son assesseur. What Else était très excité. Il nous sortit son florilège de chansons espagnoles. Il roucoulait aux passages sensibles, portant ses aiguës à leur paroxysme. What Else c’est un tendre ; il pourrait jouer dans un film d’Almodovar. Pépé de temps en temps calmait ses ardeurs.

Un petit retour vers la paella et son histoire s’impose. « Paella » est un mot catalan issu du latin « patella », signifiant « petit plat», de même origine que l'ancien français « paële » forme ancienne du moderne « poêle ». Le plus connu des plats de la cuisine espagnole naquit au XVIIIe siècle dans l’Horta de Valence, et c'est le riz de la lagune voisine de l'Albufera que les paysans de la région accommodèrent à leur manière.

Après la guerre civile espagnole, le pays voulant, pour développer le tourisme, trouver un plat emblématique national, Franco choisit la paella pour plusieurs raisons : riz peu coûteux, accommodements faciles et surtout les couleurs du plat (rouge du poivron et de la tomate, jaune du riz safrané) reprennent celles du drapeau espagnol. Bon, c’est pas ce que la paella a fait de mieux en devenant le plat emblématique de l’Espagne via Franco. Et je demeure dubitatif sur le goût de Franco pour le rouge, n’était celui du rouge sang. Reconnaissons, toutefois, que la paella n’y est pas pour grand-chose. 

Il existe aujourd'hui plusieurs recettes de paella, mais les Valenciens dénient à toute autre préparation que la leur le droit de s'appeler paella valenciana. Dans la paella orthodoxe, il ne saurait y avoir d'autres viandes que celles tirées des animaux de basse-cour: poulet, lapin et (ou) canard, que l'on fait dorer avec de l'huile d'olive. Il faut ensuite ajouter de la tomate râpée (ou de la purée de tomates), des ferradures (haricots verts), quelques garrofons (haricots de Lima, de très gros haricots blancs) et/ou tavelles (haricots frais en grain), certains ajoutent des baquetes (petits escargots des champs), des artichauts, des poivrons et/ou un peu d'ail. C'est le moment de verser l'eau dans laquelle tout va bouillir jusqu'à cuisson des légumes, ainsi qu'une branche de romarin. Un peu de safran (en brins).

Du riz (rond, surtout de la variété appelée arroz bomba), enfin, qui doit cuire jusqu'à absorption de l'eau. La coloration jaune du riz provient du safran (ou bien d'un colorant alimentaire à base de maïs). Rien de commun entre cette recette et les paellas « modernes » (paella mixta), où s'entremêlent viandes et poissons, fruits de mer, et cochonnailles. Les puristes affirment qu'il ne s'agit alors que de « riz » à ceci ou à cela. Donc Dudu n’est pas orthodoxe, mais ça on le savait. C’est sa fibre populaire. En effet, la paella était à l'origine un plat populaire dont la recette variait en fonction des ingrédients locaux et de saison à disposition. Pas de lapin et (ou) de canard. Pas de tomate râpée, de ferradures ,  de garrofons ou de tavelles. Pas l’ombre d’un baquete. Fin de l’histoire.

Dudu fut particulièrement serein au lancer d’assiette. Demi d’ouverture oblige. Pas la moindre fausse note. En guise de fromage : le néant. Jouant du râpé qu’il servit avec sa soupe, Dudu fit fi du fromage. Chaque année, il nous fait le même coup. Avec ou sans soupe. Il a un problème avec le fromage Dudu. Nos bêlements se heurtaient à son néant fromager. Côté dessert des glaces : vanille, café, menthe. Parfaites.

Le trou se vida peu à peu. Une belote de comptoir s’acheva sans histoires. Nous jetâmes un petit coup d’œil vers ciel. L’étoile y était. « Dehors la nuit est gouvernée. » (René Char)

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