22 mai 2013

Le cuistot de la semaine, qui joue, perd... igue*

Par Le Barde



Le mois de mai est chiche en castors. Sur le pré comme au trou. Ainsi n'étions-nous que onze à Musard pour étreindre la gonfle. Un comble. A onze, pas d'égalité possible. C'est mathématique. Jusqu'à un certain point. Car ce n'est parce que l'on est cinq que l'on est inférieur à six. En sorte que les lois du sport ne sont, en aucune manière, comparables à celles des mathématiques. Sur le pré, c'est le terrain qui prime. Un truisme certes, mais un truisme qui vaut toutes les équations du monde. N'est-ce pas mon Perdigue !

L'admirable maître des vignes étaient de cuisine. Ils avaient disposé des magnum sans étiquettes sur la table que les vieux avaient amoureusement dressée. Du Château Carles 2005. Perdigue, il est généreux. Jean-Phi ne lui en voulut point d'avoir troqué le fruit de ses vignes pour celles d'un ancestral cru fronsadais. Jean-Phi, de retour des States où il fit une tournée triomphale.

Perdigue, il n'aime rien tant que les fondamentaux. En entrée, il nous proposa donc de la charcutaille : boudins, grattons et jambons. Pas de chichis, et à défaut de chichons, d'autres vertus porcines. Avec ce qu'il faut de cornichons pour donner à la chair ce supplément d'âme que, seuls, les cucurbitacées savent donner.

Il fallait le voir Perdigue, portant une vaste marmite dont il souleva l'ample couvercle pour que s'échappe enfin les fumets de sa daube. Et quelle daube. Tendre, suave, avec ses petites carottes finement découpées, baignant dans une sauce exquise. Est-ce de la joue ou de la daube me demanda Walid ? Étonné de tant d'ignorance*, je passais outre son blasphème et sauçais en guise de reconnaissance. Walid reprit de la daube en se pinçant les joues, ce qui n'est pas aussi évident que mes mots le laisseraient entendre. Gwen se goinfrait, gonflant un peu plus ses chairs quarantenaires. Amélie couvait El Pulpo et lui prodiguait des conseils. Pascal savourait près de Peyo les bienfaits de Perdigue. Pour boucler la boucle, Perdigue chanta Au joli mois de mai au gué vive la daube.

Il y a du grec dans Perdigue. Son corps est pareil à celui des statues qui hantent les temples comme autant de signes d'une gloire déchue. « Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir », me souffla Titi.

Perdigue, il ne choit pas. Son lancer d'assiettes en témoigne. Quelle vigueur. L'obole zébrait le trou de son vol rectiligne et vif. Au grand dam de nos mains impuissantes à saisir un disque aussi vif. Seuls quelques uns eurent la main alerte. Alors, muni de sa boule de fromage qu'il déposa sur la table en guise de trophée, le couteau à la main, Perdigue découpa en autant de tranches le fruit d'un lait que sait si bien chanter Lolo. Dans de minuscules pots de confiture, la cerise attendait sa tranche. Qui dira les joies de tant d'abondance.

Vint le riz au lait, le riz au lait d'Esteban. Loué soit le fils de Perdigue. Il est à la hauteur de son père. Et ils possèdent tous deux ce petit côté polisson et vanille qui rend la vie plus douce.

Une belote de comptoir, quelques galopins. Au joli mois de mai, le castor est fleuri.

* : C'était bel et bien des joues de porc (dixit Perdigue), et l'ignorance peut aller se rhabiller.

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