Ah qu’il est bon le mardi de se retrouver sur le pré des écoliers !
Il fait chaud, le soleil est de la partie. Christian a d’ailleurs son sourire des beaux jours retrouvés. Le sourire, il le soigne au sens propre comme au sens figuré. L’accueil est agréable et de bon augure. Lafourche est là ! Il est motivé notre homme de première ligne. Ses chaussettes sont hautes. Le plaisir de partager des salamalecs, des embrassades de retrouvailles et c’est le temps de pointer la direction du pré. Il se dirigea seul, la tête haute, le pas décidé vers le champ de jeu. Trop de la balle comme accueil ! D’autres s’affairent encore dans les vestiaires ou plutôt se désaffairent pour se mettre en tenue sportive. Les vestiaires sont en effet un sas de décompression. Le sas est une zone importante dans notre stress civilisationnel. Il est important pour permettre nos organismes confrontés aux contraintes extérieures de retrouver un semblant d’équilibre. Il permet de descendre la pression ou de la monter. C’est un régulateur pas comme les autres. Notre plongée est en effet quotidienne. La vie professionnelle s’articule dans les aléas d’une vie sous contrôle en profondeur. La remontée trop rapide est source de danger et de rupture qui nécessite un passage vital de décompression. Les castors respectent ce passage indispensable en accordant un temps de délestage. L’abandon de notre scaphandre de citadin. Très lourde dans cette période de chaleur hors saison. L’homéostasie du castor se combine dans cette recherche d’extase en soi…
Bref nous voilà sur le champ, les hommes sont alignés et le ballon circule. Le flag a disparu pour revenir aux règles du toucher. Le Tarbais alterne son jeu, les petits gros taquinent les espaces qui se resserrent. Le silence du Barde est recouvert par d’autres commentaires… Tradition oblige. Le silence est impossible dans les rangs des Archiballs. La subtilité du jeu est ainsi faite. Le toucher se parle, s’élabore, se critique, s’éprouve. La position subjective du joueur s’inscrit dans l’arbitre qui l’habite. Autrement dit l’arbitraire objectivé par certains se leurre parfois dans une perception erronée de faits rugbystiques supposés en mouvement. Il existe autant de joueurs que de perceptions. Une nouvelle discipline prend naissance à chaque rencontre, celle de la phénoménologie de l’ovalie. Le hic dans l’interprétation des règles, c’est que la perception individuelle s’oppose par nature à de nombreux points de vue. « En avant », « Hors jeu », « Balle aux autres », « Touche », « On joue pour 3 »… L’écho partenaire ne se distingue pas dans l’économie des mots. Lafourche et JB, dans leurs visions et interprétations respectives trouvèrent un désaccord dans la règle bafouée pour trouver un accord dans le retour au vestiaire prématuré. Notre dentiste orateur n’a pas de dents contre Mozart. Mais il resta sur son idée de retrouver un sas initial de décompression. Bruno se désespérait alors de devoir courir jusqu’au trou après ses nombreuses joutes nocturnes. Ce ne serait pas le premier me diriez vous de devoir courir après un combat et de se taper la bagatelle de quelques kilomètres. Puis Bordeaux est fait pour le Marathon à cette période de l’année. JB philosophe n’avait pas besoin du sas et s’en revint sur le pré. Le ballon très éloigné de ces palabres navigue, le poulpe de même sur son aile. Il termine ainsi que notre Sabite une préparation sportive pas comme les autres. La crainte de la blessure avant leur marathon nous fit découvrir une nouvelle technique de placage-toucher du poulpe. Un concentré de non-toucher, d’envoler, et de chute ! Il se releva de l’affaire, vérifia ses articulations qui sont faites pour engloutir prochainement quelques bornes. Dudu gratifia son équipe d’une feinte digne de l’homme d’ouverture qu’il est pour se retrancher derrière la ligne d’essai laissant en plan la défense adverse. C’est le printemps le Dudu va bientôt sortir sa tenue estivale et son tee-shirt aux seins protecteurs. Il retrouve la ligne !
La douche de décompression. L’habillage, le papotage et direction le trou. C’est le panda qui reçoit.
Sur la nappe blanche posée par les vieux, sur la nappe blanche en papier où le couvert était mis, comme d'ordinaire, par ces mêmes vieux, un ordinaire s'inscrivant dans un rituel si apaisant, sur la nappe en papier, des plats oblongs où trônaient des radis noirs, des radis tout courts, des tomates cerises rouges ou tirant vers l'oranger, des pousses d'aillet, un petit peu de beurre, et, non loin, sur des assiettes à dessert, ceints de cornichons et de tout petits oignons, des pâtés pareils à de minces pâtés de sable sur lesquels nos mains affables se tendaient, comme elle se tendent vers la béchique qui, j'en conviens, n'a rien d'un pâté. La grâce de Loulou opérait avec cette entrée qui soulignait, si besoin en était, qu'il a du pinceau. Ainsi s'était-il accordé aux prémices de l'été, composant avec un air de ne pas y y toucher, des préliminaires qui mêlaient les nécessités de l'hiver (le pâté) aux promesses du printemps (les produits maraîchers). Sans doute y avait-il un peu de Coco dans cette offrande simple, sans chichis et colorée. L'assemblée garnie paraissait apprécier la frugalité de cette proposition et croquait son aillet avec un plaisir complice. Même si quelques branches demeurèrent dans les plats métalliques et oblongs. L'aillet ne se croque qu'avec parcimonie. La faute à ce qu'il dispense en bouche de parfum âcre et rustique, et pour tout dire repoussant aux lèvres qui, d'aventure se risqueraient à un baiser.
Ensuite, un veau soigneusement mitonné dans ce qu'il faut de carottes se mêla à des pâtes fraîches, laissant repus les archis qui n'en pouvaient mais et buvaient des vins d'origines diverses, sous l'œil circonspect de Jean-Phi. Toutes choses dues à Perdigue, je crois, qui poussa le vice jusqu'à permettre le contact de nos palais avec des vins d'Espagne, ce pays où il n'y a pas que des châteaux bien qu'en l'occurrence, ils soient de circonstance, encore que cette dénomination ne touche que le bordelais qui embrasse sous le nom de châteaux des bâtisses qui n'en sont guère.
Guillaume et le Général n'en finissaient pas de porter à leurs lippes qui les pâtes, qui le veau, tout comme Alain Fageolle, de retour parmi les siens. Amélie était heureux, JB aussi, couvant son gendre de ses yeux attendris, évoquant le parlêtre de Lacan, comme l'on fredonne un aria de Mozart. Cet empaffé de Saussure avait raison dit la Fée : "Tout est langage."
Le lancer d'assiette fut sage et mesuré. Il y eut bien quelques ratés, notamment du côté du bar. Dieu sait pourtant que la main de Loulou était sûre. Mais enfin, l'on retrouve les mêmes maladresses à ce jeu qui répond au nom de rugby qu'au lancer d'assiettes, cet entre-deux entre le principal et le fromage, ce qui tendrait à prouver que le fromage n'est qu'accessoire. Toutes choses fausses comme on le sait et peu importe.Le fromage fut servi par trois. Une ribambelle de fromage en quelque sorte bien que trois soit un chiffre malingre pour constituer une ribambelle.
Alors vint un gâteau au chocolat, du Coco pur sucre, que Loulou découpait tranche par tranche et déposait dans les assiettes de ceux qui furent ses petits et le resteront à jamais sous l'œil énamouré du Préside qui assure cette transmission avec l'art et la manière en y apportant cette petite touche personnelle qui fait qu'une filiation n'est jamais un copier/coller mais le fruit d'une secrète alchimie.
"J'ai les dents arrière qui baignent" dit la Jacouille d'un ton cinglant, rompant avec la poésie de cette soirée. Sa lucidité stomacale n'eut strictement aucun effet. Chacun de déglutir son chocolat et de poursuivre une conversation qui dura tard dans la nuit. Jacouille ne tint pas rigueur à ses comparses et reprit du gâteau pour mieux souligner que sa gourmandise l'emportait sur les vicissitudes de son corps replet.
Pas de What Else mais du café quand même grâce à Régis. Le grand Fayou en redemanda. Et acheva ce qui restait de chocolat, ayant en horreur les restes, ce dont on ne lui tiendra pas rigueur. Le trou se dégarnissait. Une petite poignée d'irréductibles restait au comptoir. Sans belote. Mais en s'adressant de temps à autre avec les ballons ornant nos murs et qui sont autant de traces de nos glorieux anciens, des passes approximatives. L'affaire ne dura que quelques minutes. Il était tard. Dehors la nuit nous attendait. La rue était calme. Nous avions tous une petite pensée pour le Libanais et adressions un clin d'œil vers le nord de la cité où Morphée, déjà, lui avait adressé un tendre baiser.
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