Par Le Barde et Bardibulle
Le bel été se rapproche ; qui dira la douceur du temps lorsque le printemps s'efface peu à peu. Walid peut-être ? Ou Stéphane. Et pourquoi pas Croucrou. Tous étaient de pré.
Le bel été se rapproche ; il délie les langues. Dieu que le pré est bavard. Il y a je ne sais quoi d'écolier chez les castors dans cet entre chien et loup où leurs corps se livrent à ce jeu que l'on nomme rugby. Le toucher-parlant est l'une de ses variétés. Le toucher, convenons-en, est la langue du corps, il est muet par nature, une langue des signes dont la passe, et ses infinies diversités, est la syntaxe. Le castor ajoute la parole au geste. Un capharnaüm champêtre.
Il y eut de belles choses. Et de moins belles. Rien de nouveau sous le soleil déclinant. Seb et Serge allaient une opposition d'un soir. Jeff demandait le silence. Bernatchate était là, affuté et fringant. Walid s'essaya à une roulette libanaise sur son aile en enroulant son corps pour mieux distraire l'adversaire. Il connut l'échec. Peu importe, cela témoigne d'un incontestable regain de forme. Titi prit de très nombreux intervalles et alla à dam par trois fois. Prendre l'intervalle, c'est prendre la poudre d'escampette, une manière buissonnière d'atteindre le Graal.
Ce n'était pas le soir de la presse. Simon se blessa. On craignit le pire. Jean-Pierre tempéra nos craintes. Et le toucher se poursuivit. Jusqu'à la tombée de la nuit. Les oiseaux chantonnaient ; le pré recouvra le silence.
Au trou, pas de Miguel. La Jacouille, dont on ne saluera jamais assez l'ubiquité, se substituait au prince de l'omelette espagnole. Comme il s'était substitué au roi de Carles. Encore que celui-ci y alla de son dessert.
En entrée, des crudités : poivrons jaunes, champignons, tomates, oignons. Et quelques radis. Un hommage discret aux jeunes pousses béglaises. Les cadets d'Amelie disputeront une finale contre Colomiers, les espoirs aussi seront de finale, quant aux Crabos, ils ont cédé, dimanche, dans l'ultime étape qui mène au titre suprême. Le Tcho avait pris la place de Pépé. Une affaire de famille.
Jacquot en chef cuistot garda son siège. Celui à côté du Tcho quand Pépé n'en a cure. Sa place s'offre spatialement à la cuisine. D’où la confusion qu’il habite en cuisine. Même si l’habite ne fait pas le moine. Il sait par expérience que du bout au trou, toutes choses ont une place ! Cependant la place du bout de table ne lui appartient pas car elle sied à celui qui ne saute pas son tour. Le tour de bouffe porte ainsi bien son nom. Chacun son tour autrement ce serait « chacun fait son Jacquot de bouffe… ». L'homme est exceptionnel, mais la règle est ainsi faite. Si les vieux ne sont pas sur le tableau, ce n'est pas parce que JP n'avait plus d'encre à l'impression ou juste assez pour noter l’intemporel Coco. C'est tout simplement un rite, notre rite qui n'est plus de passage mais bien de raison pour notre cuvée hors d'âge. Nous rappelons que Le Tcho et Jacquot avaient brillé dans leur réception présidentielle. Et l’exceptionnel fait notre bonheur tout en faisant la nique à l’ordinaire ! Jacquot nous ne l’aimons pas uniquement lorsqu’il est de bouffe. Il traite comme traiteur les impondérables et l’homme d’exception se doit de le rester, exceptionnel.
Nous eûmes du bon confit non pas de canard mais de poule. Stéphane qui prit soin de retirer son protège dent, se proposa pour tâter et partager ces cuisses. L'homme trouve toujours un algorithme pour traduire les plaisirs du moment. Il est à même par ces calculs savants d’anticiper la proportion relative aux désirs alimentaires de chacun. Le plaisir élémentaire tient dans une dose. Le castor se devine dans leur assiette. Il a en lui cet art binaire de la décode ! Il accomplit en rythme le rituel des tournées d’assiette. Le castor est un magicien sur le pré mais son œuvre devient limité pour les miracles. Multiplier les pains et transformer l’eau en Sabite méritent des stratagèmes que la volonté divine occulte. Le dit vin tient de l’homme qui presse ses fruits. Pour la distribution, c’est Stéphane qui s’y colle. Il est là témoin du partage. Jacquot remplit les plats et Stéphane les vide. Le culte est un hommage à nos arrières. Le respect du culte tient aux croyances qui l’habitent. PiouPiou aurait lancé un cantique. Le trou prie ses architectes. « L’habite, l’habite, c’est l’habite à mon père ». L’osmose se crée, la dynamique immobile d’une entente gastrique. Le rythme est bon, les nouilles sont cuites. Le fromage râpé dans des petits plats. L’instant dit vin et Jacquot reste parfait. « Qui aime bien, nourrit bien », lâcha le muezzin. Le Tcho sur ses mots repartit sur une rigole.
Pour la trempette, la rigole fut au rendez-vous à défaut de découpe. Le tcho est un expert, il a l’œil et son cul au sec. Il est docteur ès rigole. Le vieux 4 en mouilla pour sa part son pantalon. Son « culte est mouillé » en conclut le cuistot.
Ce n'est pas Jacouille qui lança les assiettes. Dans un sms, du haut de ses montagnes, Pépé nous recommandait d'avoir la main légère. Elle le fut. A une ou deux exceptions près. Vint le fromage. Puis les tartes aux pommes. La quinzaine de castors filaient ses conversations. Les souvenirs de Casa le disputaient aux soubresauts de la vie.
Une vaste belote de comptoir débuta. Seb en sortit gagnant. Le coup de folie de Walid voulant carburer au super dès la première main y fut pour beaucoup. Amélie avait peu de jeu et faisait triste mine. Une belote rafraîchie par un peu de jet qui ne s'éternisa guère.
Une conversation conclua la soirée. Alain-Charles et Stéphane étaient en verve. Une conversation philosophique et un rien politique. Mais dans le haut sens du terme. Une conversation apaisée où ce qui sépare ne justifie pas que l'on se chamaille.
A peine sortis du trou, nous goutâmes l'haleine de l'été, les langueurs de la nuit. Morphée nous tendait ses bras. Un air de Mozart à la bouche, l'esprit apaisé, nous pouvions nous abandonner au temps qui passe.
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