Par le Barde et Bardibulle
Le Prez avait décidé d’aller à Musard en trottinette. Le ciel était dégagé. Il traversa les boulevards tout sourire. Le pré se rapprochait ; il était heureux de rejoindre ses petits. Sa trottinette filait bon train. Il entendit un coup de klaxon venu de l’arrière ; c’était Pioupiou dans sa petite voiture à damiers sans permis de la marque QLCVP, avec un petit castor au bout du capot. Il n’osa dépasser le premier des nôtres, et tous deux de gagner Bergonié.
En chemin, ils croisèrent Lolo sur son joli vélo rouge tout neuf. Lolo se glissa au cul de Pioupiou. Et notre petite bande arriva à Musard, à la queueleuleu. En chemin, ils avaient agrégé Perdigue qui s’était astreint à la marche, un peu comme s’il allait à Compostelle. Perdigue, c’est le pèlerin de Musard.
Seb et Sergio s’échauffaient déjà. Le bardibule faisait des pompes en humant l’air printanier. Dudu avait commencé son ballet, et s’étirait, s’étirait. Titi, tout de rouge vêtu conversait avec JB, près des vestiaires. Le doc avait envie de croquer de la gonfle et effectuait de petites ruades avec ses pattes. Hamilton suspectait d’hypothétiques fleurs des champs.
Le toucher ne prit corps qu’à 20:33.
Les castors en position, notre pinson tourna le dos à JB et se dirigea au centre de l’aire de jeu. Mozart impassible (un comble pour un passeur) ne l’abandonna pas des yeux. Les mains dans les poches, les bras collés au corps, il porte du regard l’ouverture qui s’échappe. Se retrouver sur la touche pour l’ancien-neuf est une drôle de vie. Pourtant seule une ligne blanche trace la frontière. Une ligne pas si imaginaire que ça tout compte fait. Dans la tête elle se franchit mille fois et pourtant dans le corps cela fait désaccord. Un simple pas pour franchir la limite et je cours avec les copains. Ses genoux le chatouillent mais sa tête le raisonne en espérant des jours meilleurs. L’interdit fait malheureusement loi. Lacan aurait mis un signifiant à l’articulation suce dite. Un mélange de « je » et de « nous ». Un égo altruiste en somme. L’articulation communicative du vivant. La lutte est interne, confinée, entre un « j’y suis avec eux » et un « j’y suis dans eux ». Piou Piou trouve que le sens propre a ses limites et qu’il se doit d’être uniquement figuré. Et le voilà mimant JB, en chef d’orchestre derrière ses gros, et poussant à l’occasion quelques directives que seuls les troisièmes lignes appliquent. Le kinesthésique ne se compense jamais entièrement en mode avatar. « Mieux avatars que jamais » jaspine de son côté Perdigue en serrant ses lacets et franchissant avec légèreté la ligne de raison. Pas de douane même en quarantaine. « Qui veut des fraises ? ». De Toute façon derrière la ligne, « il n’y a pas d’âge ! ». C’est à ce moment que Piou Piou réalisa un rase-motte devant notre tour de contrôle, terminant son jeu de mime. Il aura lui aussi un oscar. JB bienheureux sur le coup de ne l’avoir franchi, prit un temps pour regarder les troupes en course. Pris quelques notes et s’en retourna avec de bonnes raisons dans la direction du trou.
Sur le pré le jeu fut en effet alerte. L’expérience nous contemple. Nous retrouvons Sergio retraité et confiné en pleine bourre. Les trous n’ont pas de secrets pour lui, c’est lui qui les crée. La technique est simple, un short qui arrive au niveau des genoux, des chaussettes de Bigorre, chaussures de ville, tout pour faire croire qu’il sort du boulot ou d’une partie de Hand-ball. En bref, le leurre est parfait, il embrouille Crou-Crou en lui rappelant quelques règles de savoir jouer, et vas-y que je feinte à droite pour partir à gauche tout en restant à droite et passant la balle à l’opportuniste de passage. Coucou Jeff, dans l’intérieur. Doc sur le moment soulage les cervicales de notre Jean Phi qui a la tête qui tourne. Le jeu en zigzag n’est pas son dada. Titi en réponse annoncera la fameuse Sabite à plus soif. Elle se décline en 1 ou 2 voire cœur croisé. Le rouge est son habit de lumière. Dès que le viticulteur a retrouvé ses marques, ça repart. L’action est sublime quand Jean Phi lancé, attrape la balle après l’avoir jonglé. Un éphémère qui dure. S’il attrape la balle l’essai est au bout de la ligne. Sinon Sergio réclamera un en-avant qui pour l’occasion ne pourra être discutable. Et Crou Crou rappellera que si on compte un en-avant pour Jean Phi nous devrions aussi les compter pour Sergio. Lolo se résonne dans cette mélodie du pré. Qu’il est bon le jeu cents paroles. C’est une réalité du terrain. Seuls les en-avant de Jean Phi font reculer la défense adverse de 3 mètres et chanter les écureuils.
A la fin, Titi regarde à gauche en grand H. Il regarde à droite un petit H. Le moment est solennel ; Nous jouons entre l’en-but et les quarante. Regardons qui est le plus propre en face. La vaillance au rugby se reconnait à la tâche. Dur le rugby des temps modernes et son terrain synthétique. Dans sa tête c’est une mise en branle. Dernier coup d’œil sur la chevelure du Barde pour apprécier le sens du vent. 3 formules de physique appliquées pour la balistique. Le cerveau commande la jambe. Tout se fait dans l’instant. Celui qui marque le dernier essai a tout gagné. C’est notre Tarbais qui réceptionnera la balle. Rien de calculé mais il trouva juste un nouveau prétexte pour ramener le hasard à son jouer. Il lancera le Doc habillé en blanc qui marquera l’ultime. Ce dernier en premier célébrera l’essai en embrassant le cuir chevelu de Peyo. Avec encore du souffle pour courir trois tours. Puis il s’arrêta, une fois sa rage épuisée, s’agenouilla et pointa son doigt vers la lune. Ses yeux sont si fiers et si tristes. Piou Piou regarda le doigt. Le doc ne lâche pas les étoiles de sa cible. Le rêve est en satellite. Putain si près du bouclier ! Le cri du pourquoi ne put se contenir. La lune sur le coup prit un décan et le stade éteignit ses lumières. Et ce fut l’écho du silence. Seul le Prez trouva les mots pour que le soignant se relève. Ils s’en allèrent tous les deux avec un sacré besoin de se laver les esprits. Rien de tel qu’une douche chaude puis ce soir c’est Lolo qui est de bouffe !
Lolo était en cuisine, nu, le corps recouvert d’un tablier couleur UBB. En pleines formes. Deux vers de Racine ceignait son linge : « Depuis bientôt cinq ans, chaque jour je la vois/ Et crois toujours la voir pour la première fois. »
Pépé arborait une tenue léopard. Alors que le plus simplement du monde, le Tcho s’était converti en queue plate. Coco avait mis les habits de Saint-François d’Assise, la faute au précédent repas, et laissait échapper de petits cuicuis harmonieux.
A 22: 18, après un rugissement de Pépé, nous nous mîmes à table. Lolo ouvrit le bal avec des Pampoenkoekies (beignets de potiron). L’Afrique du Sud avait décidé de son choix. « Ce n’est pas parce que l’on n’y est pas que l’on ne doit pas y être » dit-il. Le vieux quatre avoua son aversion pour les pampoenkoekies. Lolo, d’un ton ferme et sec, lui asséna : « Tais-toi et mange ! » Alors le vieux quatre mangea. « Ça manque d’oseille » dit Pépé.
Jeff a sorti son vuvuzela, tandis que Perdigue bat la mesure cuillère à la main. Tout y passe, carafe, assiette, verre, baso. Les castors ont faim. Les verres à pied chaussent mal à son palais. Il préfère les verres de venta. La suite se fait toujours attendre. Nous ne voyons pas le plat. Il n’en faudra pas plus pour que Coco pousse son Assimbonanga de circonstance. « Nous ne l’avons pas vu » en zoulou. Le poulpe précautionneux « Je pense que nous le verrons bien un zoulou l’autre… ». Seul et le canon suit. La table répond en écho. Un Assimbonanga qui pousse le confiné en chacun à briser sa cage de la faim. Rien ne sort de la cuisine. Lolo ruisselle devant son four. La mijote mérite l’attente. Le plat est unique. Heureusement Coco est là. C’est notre vuvuzela du trou. Un lala sans pareil. Le silence n’existe en présence de Coco. Un instinct du vivant dans le sonore. Une sacrée bâtisse. L’hymne fait union. Le plat sortira en danse. Les vieux dans la confidence sortent de la cuisine en fanfare. Johnny Clegg n’avait qu’à bien se tenir, nos vieux lèvent la jambe plus haut qu’une jouvencelle sous ecstasy. Crou Crou en fond bat le rythme sur un tam tam improvisé. Ils sont bons, ils ouvrent la piste à Lolo qui tient son plat en triomphe. L’artiste sort son bobotie typique d’Afrique du Sud. Une sorte de pain de viande recouvert d’un appareil composé de crème et d’œufs. Le cuistot est fier de la structure. Délicieux, très parfumé et très nourrissant. Les parfums nous transportent en Afrique. L’accompagnement lui, se fera sans folklore, un riz épicé et une salade verte bien assaisonnée. Le cuistot pense à toute sensibilité. Dudu aurait appréciée une tapenade pour accompagnement mais nous quittons un continent pour un autre.
Afin de montrer son postérieur, Lolo se plaça de dos, et balança les assiettes sans jamais se retourner. Une manière si callipyge de transmettre. Ce fut une hécatombe. Frénétique, Lolo accentuait son rythme. Coco tenta bien d’y remettre bon ordre ; rien n’y fit. Il fallut toute la diplomatie de Guitou pour recouvrer un peu de sérénité. Il demanda à Lolo de se tourner et lui chanta sa chère fin de l’été. Lolo obtempéra à la surprise générale. Et tout ne fut plus que paix et harmonie. Lolo, il lui suffit d’une plage. Qu’elle soit maritime ou musicale. La chanson de Guitou associe les deux, en sorte que Lolo redevint lui-même, un tendre.
Pas de fromage. Au pays des antilopes ; il n’est pas de rigueur. Mais en dessert, un malva pudding, un gâteau gourmand, moelleux, riche, et fondant, traditionnel. « J’eusse préféré des magwinya » dit le vieux quatre. « Tu me gonfles avec tes j’eusse, lui rétorqua, Lolo, tes magwinya, ne sussent jamais égaler un bon malva pudding. » Un diantre mutin s’échappa des lèvres de Perdigue. Le vieux quatre ne moufta pas et déglutit son pudding. Ce fut plus difficile pour Pépé, tant tout ce qui touche, de près ou de loin, à la perfide Albion l’irrite et l’agace.
Toujours pas de belote. Pas de chants non plus, ni de Scrabble. Amélie voulut que l’on pratique le jeu de l’oie. Pour rester proche de ses poules. Le prof était ravi. Jacouille un peu moins. « Mon coup de dé jamais n’abolira le hasard » nous confia le bardibule, en bon aède qu’il est. Mal armé, Christophe n’y pipa mots malgré ses ascendances poétiques.
Lolo se fit arrêter par la maréchaussée en sortant du trou. « Monsieur, vous êtes nus, nous allons vous verbaliser. C’est une atteinte à l’ordre public. » « On ne verbalise pas une muse, on ne verbalise pas une esthétique » répondit-il. Sa répartie fit de l’effet, et il put rejoindre sa Caro en chuchotant des vers de Bérénice : « Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre, / Que mon coeur de moi-même est prêt à s'éloigner; /Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner. » Le barde, mélancolique, chantonnait les Paradis perdus.
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