11 octobre 2021

Le cuistot de Bouffe : La queue de poisson tarlouzaine.

 Par Le Barde et Bardibulle


Il y avait de la lumière, les vestiaires étaient ouverts. Jean-Phi était rassuré. Mais il bougonnait encore un peu ; nous n’étions que neuf sur le pré. « Dieu que cette reprise est laborieuse » se dit-il. Et sur les neuf joueurs, quatre dépassaient la soixantaine. Jeunesse où es-tu ?

N’importe, ils jouèrent. Et Jean-Phi fut exceptionnel. Du grand art récompensé par un bouquet d’essais. Sur son aile Pioupiou demeurait coi. JB appréciait sur la touche et, de temps à autre, ne répugnait pas à arbitrer nos litiges.

Dans le vestiaire, le bardibule allait un champ sur l’un de ses maîtres. Il entonna « Tous les lacaniens, toutes les lacaniennes », sous l’œil suspect de Pioupiou mais avec le concours du barde. « Le la quand il manque oblige» dit Dudu. Titi apprécia et opina du chef.

Le tarlousain avait fait le déplacement. L’assemblée était étique. Les mardis se répètent. Toutes choses qui ne nous empêchèrent pas de cancaner à l’encan. Le tarlousain dans son jeu d’équipe ne se déplace jamais à vide. Il sonna à multiples reprises à l’entrée, pensant s’être trompé de trou. Personne pour l’aider à porter ses cagettes de légumes de son pais, et de ses bacs à glace pour maintenir le poisson pêché du matin dans le fameux port toulousain.

Il descendit les marches. Chaque pas son écho. Le trou a son histoire et le tarlousain les siennes. Parfois elles se mélangent, elles se subliment jusqu’à ce qu’il sorte en nostalgie sa fameuse saucisse. Le castor a de la saucisse dans les idées. L’art de sa cuisson de la fameuse ne se déguste qu’avec les yeux. Le spectacle avant de se mettre en bouche est un chemin de traverse entre nos deux villes qui supportent pourtant le même fleuve. Pour en profiter il faut piqueniquer quand vient le début de l’été. Il a de l’embouchure dans ses idées. Le bougre ! Bref l’entrée à défaut de sortir du porc viendra du port. Toujours de Toulouse. Au coin à droite, après le rond-point. Une soupe de poisson qui nous fera oublier que le repas à son entrée, son plat principal, son fromage, et son dessert. Même si le dessert de notre hôte aurait mérité une ode à Cécile. Con se le dise.

La soupe aurait pu être unique tellement elle était charnue et douce à la fois. La rouille y croutons, et fromage râpé pour attacher toutes ses saveurs. Son fronton se fera blanc. Le Tarlousain a des ambitions qui sont loin d’être caché. Il vise la cuillère on boit.

La suite fera encore une queue de poisson à la saucisse suce dite. L’homme brille dans la mer qui à défaut de porc prête la vague à l’âme. Un petit air de Nougaro pour remplir le fond du trou. Pour ne pas le toucher, le cuistot a des remèdes. La mélodie et la cuisine de la mer jazze notre plaisir d’être là. Le subtil de l'effet mer je suppose. Un petit coup de chou-fleur par ci, une patate pour les inconditionnels, une carotte par là pour pouponner le tout, l’assiette est aérienne et en herbe. La saupoudre d’un persil en découpe. Nostalgie d’un sécateur privé de pré. L’œuf de la poule, dur pour lui trouver une place. Les gosiers sont repus. L’art et la manière tarlousaine. Simple et complexe, en lourd aérien en somme. En fond, Claude pousse en box, « Boxe, boxe, boxe ! ». Ca y est, une place pour le fromage. Tant pis pour le nez qui lui continua à prendre des coups. Tartons tarin à la récré pour la souchonnade. Le fromage visait une triplette. Deux narines bouchées et une langue en fleur pour la déguste. J’imagine que le camembert de Toulouse n’a pas dû voir la mer depuis longue date.

Le dessert une pointe de douceur et d’amour pour notre trou abrupt. Un parfum de féminin qui prête par magie une présence à l’absence. Jean-Phi rogna 5 minutes avant de rejoindre ses saints pour profiter de ce nectar des anges. 5 minutes ne sont jamais de trop pour sécher des larmes de retrouvailles. Le dessert dévoile son parfum d’un fameux fait maison. Le lien est en partage. L’estocade pour les amateurs présents au trou. Le Tarlousain est un poète et sa muse bien présente avec nous. « Quand notre ventre fut rond, en riant aux éclats, Il nous dit : « Allons, jubile ce sera une mousse au chocolat » de Cécile, Cécile… ». Quelle belle idée de prêter son bonheur à notre mélodie.

Une belote de comptoir réunit cinq des nôtres. Même si le bardibule ne la rejoignit que sur le tard. Le barde le suppléa et joua pour deux sans jamais regarder les cartes de son acolyte. Poulet l’emporta sans faire le coq ; c’est un humble. Nougaro nous berçait de ses rimes.

Nous sortîmes après minuit. C’était une nuit d’automne. Hamilton chantonnait ses feuilles mortes en pensant aux herbes folles. JB sifflotait You must believe in spring. Les saisons sont un parti pris. Le tarlousain était fidèle à son Claude et fredonnait sa Cécile.

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