14 mai 2010

Le cuistot de la semaine, l'âge du feu

Par Le Barde


Sur le pré, à l’approche de l’été, les castors s’éparpillent comme des grappes. Cette vendange printanière fut féconde en essais, beaux gestes et mâtinées, ça et là, de quelques chamailleries sans importance. Les finalistes du trophée ECE poursuivaient sur leur fabuleuse lancée. Musard n’était qu’enchantements. Du rugby considéré comme de l’un des beaux arts en somme. Car le rugby est un art : Gwen est son de Vinci, Hamilton son Capra, Perdigue son petit Marcel (Proust). Et moi-m’aime son Homère. Seul Moïse et ses tables de la Loi manquèrent à l’appel. Il n’est que trop temps de s’en remettre aux règles. L’art sans contraintes, n’est plus de l’art. Il fallait un sonnet à Ronsard pour chanter son Hélène.
Le vieux quatre était en cuisine. Nous savions déjà que les tomates ne nous seraient pas épargnées en entrée. Et tomates il y eut dans un trou garni. Le vieux quatre avait je ne sais quoi d’un clown avec ses cheveux tirant sur le rouge et son nez en embuscade. Il nous joua un tour très pimenté. Non pas que le vieux quatre soit un piment. Mais lorsqu’il affiche ses prétentions basquaises, il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Son axoa déchaîna les passions. D’aucuns hurlèrent : « Vannier assassin !» tant leurs palais étaient enflammés. « C’est un attentat ! » vitupéra Hamilton la bouche en feu ! « L’axoa, c’est pas Jeanne au bûcher ! » tempêta Perdigue la gueule sous le robinet du comptoir. Seul Loulou demeurait impassible, tel un sphinx. Sa grandeur inégalable, le don de soi qu’il porte en bandoulière comme d’autres leur amertume, nous laissa, une fois de plus, sur le cul. Pauvres culs promis à des sévices pour cause d’épices. Mais Hamilton avait raison, ce fut un attentat. Que l’ETA attente à nos constitutions par l’axoa est un signe des temps. Mettre la tradition au service de la cause, est, en soi, une révolution qui, à la différence de celle qui libéra la Tchécoslovaquie, n’avait rien de velours La revendication autonomiste a changé de nature. Désormais, les terroristes utilisent des armes d’apparence plus douces mais aux effets décuplés. Il a un côté léniniste notre vieux quatre, un côté Che quand il est aux fourneaux. Mais que diable, nous ne sommes pas les occupants d’une terre qui n’est pas nôtre. Le trou n’est pas le repaire de colons inféodés à je ne sais quel occupant. Nous sommes ici chez nous. Toujours est-il que jamais la mousse ne coula avec autant de profusion. Après tout, c’était, peut-être, le dessein du vieux quatre. En quoi les révolutionnaires d’aujourd’hui ont changé d’âme, ce sont d’abord des hommes d’affaires.
Nous craignîmes à juste titre le lancer d’assiettes. Il a l’assiette incertaine et vacillante le vieux quatre. Le trou ne fut que fracas. « Terroriste » hurla de nouveau Hamilton que Walid avait toutes les peines du monde à calmer. Il a de la suite dans les idées Alain-Charles. Mais il n’y eut pas de blessés. Les vieux toujours restèrent de marbre et il n’y eut pas de nez à recoudre. Pascal n’eut pas à officier. Ni le général (qui d’ailleurs n’était pas là). Un fromage de brebis et sa confiture de cerises autorisèrent une paix salutaire. Le dessert apporta enfin une douceur que l’on n’escomptait plus. En fait, c’est un gros doux le vieux quatre ; ne nous y trompons pas. Les gros doux, ce sont de gros durs ramollis par les avatars du cœur. Reconnaissons, cependant, qu’il exige des trésors de mansuétude pour ceux qui reçoivent ses bienfaits. L’amitié se mérite il est vrai. Et une amitié qui ne serait pas pimentée, ce n’est pas une amitié. Encore qu’il faille toujours un peu de mesure en chaque chose. Mais le vieux quatre il est comme ça (que faisait Pioupiou mardi ?). Alors Hamilton et Perdigue recouvrirent les voies de la sérénité. Gwen entonna Manzana, Manzana. Et le trou ne fut plus qu’un abîme de paix.

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