05 mai 2010

Le cuistot de la semaine, le mouton, la brebis et le bouc

Par Le Barde


La pluie trie les âmes. Il y a les âmes fortes et bien trempées qui ne répugnent pas à affronter les vicissitudes du ciel. Et il y a les âmes frêles qui déclinent toutes perspectives de salut quand le temps se met au gris ; elles sont condamnées et condamnables. Il y a bel et bien un jansénisme de la gonfle et Stéphane le sait. Ainsi, ceux qui n'ont que faire des ondées, des stratus, des cumulus, des cumulo-nimbus sont voués au paradis. Pas les pleutres qui ne gigotent que lorsque le soleil darde de ses rayons triomphants un pré piqueté de touffes d'herbe, de mottes de terre, de boue. La lumière naît de l'humide. Le Toulousain n'en disconviendra pas.
Nous étions donc réduits à la portion congrue mardi à Musard. Le peu c'est beaucoup lorsqu'il est l'apanage des dieux. Il fallait les voir ces flambeaux de la béchigue faire fi des éléments et dessiner de fabuleuses arabesques sur une pelouse rachitique, parsemée de flaques, lourde. Ah ! Loulou conspuant la fatalité des cieux, Guitou feignant des passes pour mieux transpercer une ligne adverse désormais ouverte à ses desseins. Ah ! Alain mystifiant Peyo pour mieux offrir à ma modeste personne l'exquise esquisse d'une promesse bientôt rassasiée. Et Titi plus pinson que jamais, s'envolant à qui mieux-mieux, et se jouant de l'adversaire comme Mallarmé de la rime. Et Perdigue, ahanant comme un étalon fourbu par trop de folles chevauchées. Ah ! Arnaud, déployant sa foulée immense, inaccessible, souveraine. Musard était aux anges. Ses peupliers couvaient d'un regard attendri les quelques castors qui se gaussaient des averses.
Rompus de fatigue, ruisselants de grâce, ils s'en allèrent au trou. Là , Stéphane rendit son pucelage. La chair ne fut pas triste et il n'y eut point d'hélas. La salade en entrée prétextait un été lointain mais satisfit Pioupiou. Vint le mouton trempé dans une sauce sucrée et suave. Et les aubergines alignées une à une, comme autant de berceaux dans une maternité. L'aubergine, c'est le cèpe du pauvre. Que quelques ignares puissent la confondre avec la courgette en dit long sur leur déliquescence. Courges de castors s'exclama Perdigue !
Et ces petits bouts de chèvres, ronds et replets, recouverts de miel. Un régal ! Et cette salade de fruits ! Le petit a du talent et de la suite dans les idées. S'éleva alors un hymne à la gloire de What Else ; Jacky, c'est un rite dont nul ne saurait se passait.
Puis certains traînèrent. Leur conversation fut métissée en diable. Stéphane savourait une initiation accomplie. Le trou se vida. Dehors, la pluie poursuivait sa besogne. Indifférents, les castors roulaient des pensées impures. Et, parvenus chez eux, ils récitèrent ces vers de Mallarmé :
Toi qui soulages ta tripe
Tu peux dans cet acte obscur
Chanter ou fumer la pipe
Sans mettre tes doigts au mur.

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