31 octobre 2013

Le cuistot de la semaine fit dans le confit

Par Le Barde


L'hiver pointe le bout de son nez. L'air était frisquet, hier, le pré humide, parsemé, ça et là, d'une boue encore timide. Peut-être était-ce la dernière sur le petit terrain d'Eysines puisque nous sommes promis à Victor Louis. Normal pour un club d'architectes me dira-t-on. C'est un peu comme si nous passions du rugby des clochers à celui des villes.
Un peu d’histoire, as usual. Louis-Nicolas Louis dit Victor Louis naît le 10 mai 1731 à Paris. Il est le fils de Louis Louis, maître maçon. Il entre à l'École royale d'Architecture en 1746. Il est l'élève de Louis-Adam Loriot, architecte de talent, membre de l'Académie royale d'architecture. En 1755, après neuf années d'études, va à Rome et séjourne au Palais Mancini de 1756 à 1759. D'abord spécialisé dans les commandes religieuses, il réalise ensuite de nombreuses résidences privées. Le Maréchal de Richelieu, petit-neveu du Cardinal le fait venir à Bordeaux – où il est gouverneur de Guyenne – pour construire le théâtre de la ville. Il répond par la suite à de nombreuses commandes de châteaux dans le Bordelais. Parmi ses réalisations girondines, citons l’hôtel Boyer-Fonfrède, 1 cours du Chapeau-Rouge, l’hôtel Lamolère, rue Esprit-des-Lois, les Hôtels Saige, Journu et Legrix, ancien hôtel de préfecture de Bordeaux (jusqu'en 1993), le château Raba à Talence (Gironde), etc.
Il y avait du beau monde pour cette dernière sur le petit terrain d’Eysines. Car Loulou était là, et Loulou, c'est du beau monde à lui tout seul. Nous n'étions qu'une poignée, mais une poignée alerte et expérimentée. Même Gwen était de la partie, vêtu d'une parure rose, sans chaussettes et avec de vagues souliers marrons. Il y avait aussi Hamilton, Gary Grant, Léo, el Poulpo, Jérôme et surtout Walid. Walid, il a des cannes de feu. La terre promise n'est plus qu'une formalité pour lui. N'empêche, c'est du côté des vieux que nous eûmes les plus beaux essais, signés par Loulou et Hamilton. On ergota peu, on joua beaucoup, et c'est le corps repu que nous regagnâmes les petits vestiaires du petit terrain d'Eysines. Walid sifflotait, le regard tendu vers les étoiles.

Le trou était plus garni que le terrain. Le charisme de Lolo of course. Nous étions une trentaine. Pour l'anecdote, il y avait trois dynasties présidentielles puisque Joël, Arnaud et Loulou étaient des nôtres. Il y avait aussi le grand Tom, et Titi dont les adducteurs regimbent. Comme ceux de Bernachatte. Le castor a l’adducteur fragile cette année.

Lolo avait mis sa progéniture à contribution. Thibaut l'accompagnait dans sa tache. Une cuisine de famille en somme. L'ombre douce de Caro flottait sur le trou. La famille fit dans l'hiver. Pas de dentelles lorsque le temps se met au froid. Et rien de tel qu'un bon pâté pour subvenir à nos graisses récalcitrantes. Avec des cornichons de belle facture. Rien de tel non plus que des tranches de saucisson, fines, accompagnées aussi de ces petits concombres saisis avant maturité dans du vinaigre que l’on traite de cornichons.
Fidèle à sa tradition, Lolo fit dans le confit avec d'incontournable petits pois/carottes qui apportèrent une touche légère et maraîchère aux consistances du volatile ruisselant de graisses accortes. Lolo, à vrai dire, serait plutôt tendance confit ; Thibaut taquinerait davantage du côté des petits pois carottes. Mais l'assemblage était royal parce que familial. Et là je ne puis pas encore ne pas songer à celle qui illumine la scène bordelaise de sa présence radieuse. O Caro ! O éternelle Phèdre ! Tu es Maillan et Sarah Bernhardt réunies ! O Calliope, fille de Zeus et de Mnémosyne.
Lolo en cuisinier a tout de Zhao Jun. (C’est  l'un des plus vénérés des dieux chinois. Ils protègent le logis et la famille. Traditionnellement, une photo ou une statue de Zhao Jun est placée dans la cuisine, d'où il peut observer le comportement de la famille et en rendre compte au dirigeant des paradis, l'empereur Jade.)

Mais je veux revenir au canard. Etait-ce  un canard amazonette (Amazonetta brasiliensis), un canard, un canard carolin (Aix sponsa), un canard chipeau (Anas strepera), un canard siffleur (Anas penelope), un canard de Smith (Anas smithii), un canard à sourcils (Anas superciliosa) ? J’opterai pour le canard bridé (Anas rhynchotis) ou le Canard mandarin (Aix galericulata),  Zhao Jun oblige. J’opte pour le canard mandarin puisque Lolo, en ces veilles de Goncourt, en revient toujours à son préféré, Les Mandarins de la Simone. Il y a peu, il m’en récitait des passages entiers de mémoire. Il est foutu d’en faire une adaptation pour Caro.

Le lancer d’assiettes fut superbe. Quelle délicatesse, quel toucher ! On était en Olympie. C’est pas parce que Lolo a tout de Zhao Jun qu’il n’a pas droit aux dieux grecs ! Pas un ustensile ne tomba. Les assiettes voletaient dans le trou comme autant de lucioles. (Hommage de Lolo à Pasolini pour dire que, non, les lucioles n’ont pas disparu ?). Un miracle. Non content de flirter avec l'Olympe et Zhao Jun, Lolo y allait de son Christ. Jean-Phi eut une extase et s'effondra dans un soupir qui en disait plus long que de vaines prières. Et Loulou ne cessait de murmurer, pareil à Sainte-Thérèse, "Mon Gros tu me transperces."  Pépé se recueillit avec une profonde intensité. La Pibale entonna des chants religieux.
Le fromage mit un terme à nos ardeurs mystiques. Il n’y a rien de tel qu’un Pyrénées avec sa confiture de cerises pour dompter les élans spirituels. Encore que les bons moines savent faire côtoyer la foi et le fromage. Mais bon, foin de la religion désormais. Et passons au dessert. En l’occurrence de l’ananas avec de délicieuses cigarettes russes (de cigarette, en raison de sa forme, et russe, car les Russes roulaient leurs cigarettes en diagonale). Un zest de fraîcheur bienvenu. Comme cette Manzana servie à dessein.

Dehors, une nuit pure et belle attendait les castors.

24 octobre 2013

Archiball vs Burdikro : la première de la saison

Par Le Barde


D'ordinaire, nous jouons nos matches le mardi, le jeudi, le vendredi, le samedi, rarement le dimanche et jamais le lundi. L'ordinaire a pris un coup de vieux le 21 octobre. Sans doute pour donner raison à Pascal (Blaise), l'auteur de cette phrase si juste : « La vie ordinaire nous blesse. » D'ailleurs, il n'y eut pas de blessés. A peine quelques égratignures [Ajout info : Dominique a un pète aux ligaments croisés]. En quoi Blaise (Pascal), il a raison. Encore que le fait d'avoir contrarié l'ordinaire ait pu escagasser certains. On ne leur en tiendra pas rigueur. Nul n'a tort lorsqu'il frappe l'extra-ordinaire du sceau du bon sens qui « est la chose du monde la mieux partagée ».

Les Burdikros eurent l'honneur de nos premières joutes saisonnières. J'ignore l'origine de ce nom. Pour la partie burdi, nul doute qu'il s'agisse d'un clin d'œil latin à la cité d'Ausone. Mais pour kros, je donne ma langue au chat. Tout ce que je sais, c'est que les Burdikros prirent racines dans l'assemblage d'anciens joueurs d'Eysines et de quelques vélléitaires de KPMG, une boîte financière. Aujourd'hui, plus d'anciens d'Eysines, mais des trentenaires plus ou moins expérimentés. Et fort sympathiques.

Fidèles à notre tradition, nous fîmes d'abord  un toucher. Ainsi les vieux (Guitou, JB et ma pomme), et les convalescents (Croucrou, Bruno) purent taquiner la gonfle. Un toucher de qualité que ne sanctionna aucun essai. Après tout qu'importe [Ajout info : Les Burdikros ont gagné le toucher avec 1 essai à 0].

Puis nous passâmes aux choses sérieuses. Deux mi-temps de vingt minutes. Une vingtaine de castors étaient d'attaque. Et, c'est sous mon sifflet royal que les hostilités commencèrent. Face aux gringalets des Burdikros, nous alignâmes une équipe qui avait fière allure. Un paquet rugueux avec Miguel, Walid, Pioupiou, mais aussi trottinant avec Léo et Dominique, ou découpeur en diable avec Bernatchate le terrible. Il y a du Dusautoir chez notre gentleman. Sans oublier le Benoît de tous les diables. Derrière que des gazelles. De Toto à Don en passant par Seb ou Peyo. Que du beau linge en somme. Avec Arnaud, le petit nouveau au centre. De la bonne graine cet Arnaud.

Sous ma houlette considérable, nous fûmes récompensés par deux essais. L'un du Préside, l'autre de Bouscaillou, formé à la grande école cubzaguaise. Les jeunes, ils ont des cannes mais pas trop de tête. Nous, on avait les deux. Et mon sifflet magnanime n'avait pas besoin de se hausser du col pour que la partie soit belle. Seb distribuait à merveille sous l'œil de son petit. Miguel aussi avait amené sa descendance et les Allez Papa scandait cette douce nuit d'automne. Don avait des courses aux allures de sonnet. Du Maurice Scève sur le pré. Gwen n'était pas là, coincé qu'il était à Royan. Les Burdikros n'eurent pas à subir ses outrages. JB et Guitou se régalaient. Et la Jacouille itou.

La seconde mi-temps fut l'exacte réplique de la première. Sauf que les burdikros marquèrent un essai. Nous pas. On crut que Walid et Peyo y parviendraient. Las, ils restèrent bredouilles. Une réplique pas tout à fait exacte au bout du compte. Et le coup de sifflet final mit un terme – c'est pour cela qu'il est final –, à ce match de reprise, ce galop d'essai.

Le castor paraît armé pour une belle saison. Il est alerte, vif et ne rechigne pas aux taches obscures sans quoi le rugby n'est rien. Il allie l'efficace à l'esthétique et souligne, si besoin en était, que le rugby est bel et bien un art, que le pré est une page blanche où le poème est roi.

Nous nous retrouvâmes au club house d'Eysines. Un dîner fort sympathique conclua cette sympathique soirée. Même si l'on s'inquiéta pour les disponibilités athlétiques du lendemain. Et pour la tablée de Kiki. Il ne faut tout de même pas trop bousculer l'ordinaire si l'on veut être certain de retrouver ses petits. Rendez-vous est donc donné aux Burdikros pour un match retour. De préférence un mardi, un jeudi ou un vendredi.

Prochain match à Mondragon le week-end du 16 novembre. La tradition reprend ses droits.

23 octobre 2013

Le cuistot de la semaine avec vue sur la mer

Par Le Blogueur


Comme le disait Sabite, qui n'était pas venu hier soir : Le déroulement du mardi est un cheminement. Il faut une bonne partie sur le pré et un bon repas après.

C'est exactement ce qui s'est passé hier.

Les meilleurs étaient là. Du coup on a couru comme des chefs. Un jeu de qualité. Des courses dans le timing. Des passes au cordeau. Pas un seul en-avant, pas de hors-jeu et surtout pas un râleur. Une ambiance comme on aimerait en vivre tous les mardis. Le rugby par définition. La tolérance, l'humilité, le sens du sacrifice et l'esprit sportif. C'est tout simplement ce qu'on a vécu hier, du pur rugby.

Tu regrettes de ne pas être venu. Mais c'est peut-être parce que tu n'es pas venu que ça s'est passé si bien...

Mais il est malin comme un singe le Sabite. Il ne m'a pas cru et il a raison. Car, après une consultation démocratique, l'entrainement a été annulé. Tout le monde a été averti par un mail... sauf un. Eh ben celui-là était au stade et il a vu la porte fermé et les lumières éteintes. Et c'était qui ? Hein ? Qui n'a pas eu le mail à temps "parce qu'avant c'était mieux" ? Eh ben si tu penses avoir la réponse, mets la dans un message plus bas et on te trouvera un cadeau.

C'est donc à une heure inhabituelle que nous nous sommes retrouvés au trou. On était venu prêter main forte pour décaniller du bivalve. L'ambiance était déjà à la cool. Sur le comptoir des bouteilles de blancs taquinaient les tranches de saucisson et le pâté. Un apéro, un vrai. Les vieux trempaient leurs lèvres dans le muscadet et se boulotaient la charcuterie avec le patron du soir. Kiki remplissait les verres, détendu. Zéro pression, tout est fait. Les huîtres étaient ouvertes comme des bouches et attendaient nos langues avides. On n'a pas succombé aux chants des sirènes, pas encore, une belote d'abord histoire de faire quelques échauffements des doigts.

Les parties s'enchainent, faisant des heureux et des malheureux. Les verres se vident faisant que des heureux. La charcuterie est applaudie par nos experts, père et fils. A 22 h, le castorama était maigre. Une vingtaine de castors et la table à peine remplie. Je te l'avais dit, me dit Hamilton, un match le lundi, c'est pas dans l'esprit. C'est pas le moment de casser l'ambiance, un grand repas nous attend. Top départ.

Trois douzaines d'huîtres chacun. C'est Noël ! Seb avoue son aversion instinctive à l'égard du mollusque. Ce qui, évidement, surprit tout le monde. Un coming out d'une violence inouïe. Qui aurait pu s'en douter ? Il s'est remis quelques tranches de saucisson en guise d'entrée. Les trois plateaux d'huîtres garnis ont tenu 20 minutes avant que la suite arrive. Et quelle suite ? Noël toujours, avec vue sur la mer !

Du saumon. Alors forcément dit comme ça, ça ne le fait pas. Alors on va le décrire. Deux plats avec deux saumons entiers. Dans une reconstitution du poisson, les filets étaient levés et redisposés sur une gelée avec, entre les deux, des légumes en julienne. Le tout se mange froid avec de la mayonnaise. Un must. On n'a pas tout mangé et c'est bien là le drame.

Le lancer d'assiette est un art chez Kiki. Et comme tout art ancestrale, il a ses codes. La bonne distance, le bon angle et chaque assiette est lancée à sa propre vitesse. Si une assiette tombe, c'est qu'à la réception, le gars, il a pas de bras. A vingt, on a fait un raffut comme si on était quarante.

Vint ensuite le fromage des Pyrénées et sa confiture : chèvre et brebis. Un peu de salade verte et deux desserts : tarte aux pommes et tarte myrtilles. On est pas lâcheurs, on en a mangé. Même Guitou a calé. Et qu'est ce qui fait que le repas de Kiki soit le repas de Kiki ? Et bien la touche finale : le cigare avec le café.

Retour au comptoir pour une dernière partie de belote arrosée de Jet. J'aurai pas du, j'ai perdu.

17 octobre 2013

Le cuistot de la semaine, Toro y Salsa

Par Le Barde


L'incipit du roman de JB Pontalis Loin est : "Il y a la femme." Et notre auteur de sauter à la ligne. Aux Archiball, – qui sont un roman –, il y a JB (Saubusse). Les mauvaises langues diront que JB n'est pas une femme. Ce qui est vrai. Reste que  les mauvaises langues ne savent pas manier l'incipit et opérer les inévitables transferts qui le légitiment. Et en matière de transfert, JB (Pontalis), il en connaissait un rayon. Je saute  à la ligne, n'ayant que trop tardé.

Connaissez-vous l'incipit d'Aurélien  d'Aragon, l'auteur de Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipit ? Non ? Et bien je vous le donne en mille : « La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Rien à voir avec JB, j'en conviens. Encore que Bérénice ! Bon, j’arrête de vous les gonfler avec Titus, les incipit et tutti quanti. Et j’en reviens à JB ; car, on en revient toujours à JB. C'est comme en musique, on en revient toujours à Mozart. D'ailleurs, JB, c'est Mozart, sa passe est une sérénade. Et plus précisément la K 361, pour treize instruments à vent. Elle illustre le moment où cet empaffé de Salieri, dans Amadeus de Milos Forman, lisant la partition, se dit que le petit bonhomme est touché par la grâce. Salieri, c'est Tauzin. Sauf que Tauzin  ne fut pas touché par la grâce d'une sérénade, mais par un uppercut de JB. Jamais, ce jour-là, on éprouva autant le sentiment que la boxe est le noble art par excellence.

Donc, il y a JB. Et JB était de bouffe. JB, il aime prolonger l'été. Aussi nous proposa-t-il du melon et un délicieux jambon que l'on pressentait de Parme. (Et s'il n'est pas de Parme, on s'en branle). Il aime aussi rassasier les corps éprouvés par les tristes crachins de l'automne. Aussi y alla-t-il de son pâté. Un bon et vrai pâté de campagne. Un hommage à Pioupiou ? Allez savoir.

JB est homme de tradition. Lorsqu'il se met en cuisine pour ses chers castors, c'est toujours avec du taureau. Et de mitonner une daube, comme Mozart mitonnait son Cosi fan tutte ou Dominguin une véronique. Nous, on se régalait. « Son altesse, ce taureau fut toréé à Dax » me glissa  Lolo à l'oreille. Et lorsqu'il prononça le nom de la cité thermale, je crus  qu'il s'agissait du soleil d'Austerlitz. (Le 2 décembre 1805, au petit matin, quand le brouillard qui entourait le plateau de Pratzen se dissipa et quand parut dans le ciel dégagé un soleil éclatant, « Napoléon, raconte Tolstoï dans La Guerre et la paix, comme s’il n’avait attendu que ce moment, déganta une de ses belles mains blanches, fit de son gant un geste aux maréchaux et donna l’ordre d’engager la bataille. Les maréchaux et leurs aides de camp galopèrent dans différentes directions et, au bout de quelques minutes, les forces principales de l’armée française se portèrent rapidement vers le plateau de Pratzen que les troupes russes abandonnaient de plus en plus pour gagner vers la gauche le ravin.)

C'est Joël qui aurait été content. Hélas, Joël, il n'était pas là. Tous les absents, ce soir-là, avaient un peu plus tort que d'ordinaire. D'autant que la daube de taureau de JB et le vin de Jeanfi se complétèrent à merveille.

Waliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid se régalait. Et le bon docteur aussi. Jacky avait des frénésies taurines que Pépé calma de son mieux. Il apaisa ses ardeurs, craignant qu'il joue de la corne sur la nappe blanche.  « Toréer, fût-ce toi, What Else, n’est plus de mon âge. » Malko était aux anges. « Dieu que le temps révolu de mes escapades est loin. Mon nomadisme viticole était une foutaise, une calembredaine. Au trou, le monde est à portée de la main. » Il se tourna vers JB et ne put retenir ses larmes.

Le lancer d'assiettes ne fut qu'une formalité. Dans les mains de JB, les assiettes sont des hirondelles. Il y a du Ramón Gomez de la Serna dans JB. Le fromage, et sa confiture de cerises, vint comme un andante. Et la tarte aux pommes avait tout de l’Adagio en si mineur, K. 540. Alors Seb entonna l'air de la reine de la nuit.
(Je n'ai pas parlé du pré. Comment parler du pré sans JB ? Un pré sans JB, c'est comme La messe en ut mineur sans son agnus dei, Don Juan sans son commandeur. )

Et c'est à la queu-leu-leu, sous l'air d'une petite musique de nuit, que les castors quittèrent leur trou.

09 octobre 2013

Le cuistot de la semaine, prix Nobel de physique

Par Le Blogueur


J'avais vu Guitou dans l'après midi ce mardi. Il avait le teint hâlé et une coiffure de première communion. Rempli de joie, je lui parle de notre nouveau terrain d'accueil à Eysines. Répétant avec insistance que les installations étaient validées par le président des Archiball et la commission de la Fédé, et qu'on y était bien, bien que ce ne soit pas tout près du trou.

Je n'ai pas fini ma phrase et je crois même qu'il ne l'avait pas entendu jusqu'au bout. Il a claqué des lèvres deux ou trois fois avant de me dire que, pour lui, c'était trop loin, beaucoup de trop loin. Je n'ai pas eu le temps de lui dire que le terrain était juste derrière Saint-Germaine où lui, et d'autres, passent leur jeudi soir.

Et c'est ainsi que Guitou n'était pas au rendez-vous sur le pré. Juste parce que les préliminaires du mardi étaient loin de notre lieu de jouissance. Pourtant, en amour, une bouche est tout aussi loin du trou, alors que rarement on ferait avec l'une, sans faire avec l'autre. Et inversement.

Ce jour-là, je me suis aperçu combien Guitou manquait à la pelouse. Ce leader charismatique, qui réunissait ses hommes triés sur le volet, ne mettait plus ses habits de course pour officier en tant que gourou du rugby moderne. C'est quand on y pense qu'on prend conscience du vide qu'il a laissé derrière lui. Et comme la nature a horreur du vide, de nouvelles stars sont nées. C'est toujours la pépinière de Sainte-Germaine qui les fournit. Hommage à Bernachatte.

Le voisins qui bordent le terrain d'Eysines apprennent de nouvelles règles du rugby tous les mardis soirs. Un cours sur l'en-avant, un autre sur le hors-jeu. Ce dont ils peuvent se réjouir c'est que les intervenants ne sont jamais les mêmes. C'est moins ennuyeux. Le rappel des règles dans le rugby est une chose essentielle quand on sait comment les règles évoluent sans cesse. Les voisins du stade nous sont reconnaissants. A la sortie l'un deux m'a demandé si l'on s'entrainait pour les jeux paralympiques de Lyon ou les gay games de Paris. Je lui ai fait un sourire de débile, ce sera Lyon.

Des lustres plus tard, nous voici au trou. Le champion international des beaux gosses est en cuisine. Pour un physique si parfait, il aurait mérité le prix Nobel qu'on a préféré donné au Boson le clown de Higgs. Ça ne change rien, pour nous c'est Pascal et c'est tout.

Pascal sait faire déjà une chose que beaucoup lui envient : il sait faire simple. La simplicité est un art compliqué. Faut pas croire. On ne devient pas simple comme ça. C'est des jours et des jours de pratique la simplicité. Car s'il y a bien une condition pour la réussir, c'est qu'elle soit naturelle. Et c'est là toute la difficulté. Je ne saurais pas vous en dire plus, c'est pas simple.

Le menu de Pascal a des couleurs italiennes. Une tarte qui a tout d'une pizza, en entrée, et pâtes carbonara, en plat. Les couleurs tifosi s'estompent avec le fromage et le dessert. Du fromage bleu, blanc et rouge. Du dessert breton comme un far à ne pas confondre avec le clafouti.

Les pâtes à la carbonara ont fait des heureux parmi les sportifs de haut niveau à qui les repas d'avant match le dimanche manquent cruellement. Yannick est de ceux-là. Un grand vent de nostalgie lui débouche les oreilles et le rend fou comme un vent d'Autan. C'est sûr il ne faut pas grand chose à Yannick mais là, c'était beau à voir. Les tampons, c'est pas dans la chatte qu'il disait. Et Bernachatte lui qui sursautait croyant qu'on l'appelait. El poulpo voulait bien en rire, mais Bernie lui mettait des tapes sur la tête. Fayou en est arrivé à vouloir défendre Yannick. Mais l'histoire s'est vite réglé à l'amiable : « Je te présente ma cousine et l'honneur est sauf. » El poulpo n'en attendait pas moins, va pour la cousine. Rendez-vous pris pour vendredi midi. Viendez, plus on sera de fous, plus on rigole.

L'histoire se termine là. Comme un bon vieil arrangement à l'italienne : on sacrifie la cousine. Après tout, on raconte que le nom de la sauce des pâtes vient des Carbonari, des membres d'une société initiatique et secrète. Pepe fait taire tout le monde : « Fermez vos gueules les jeunes ! ».

A la fin du repas, Gwen, qui vient d'avoir la nationalité bordelaise, s'approche du bar et rince ses habitants avec du Jet 27. C'est donc l'haleine mentholée que tout le monde est reparti au lit, à peine minuit passé.

03 octobre 2013

Le cuistot de la semaine et la cuisine à une main

Par Le Barde


Qui dira les moiteurs d’octobre ? Sur le petit terrain d’Eysines, l’air avait des relents tropicaux. Nous étions en nage. Non pas que la chaleur fût accablante, mais l’air était moite. Toutes choses qui ne nous dispensèrent pas de trotter comme des cabris. Avec un Joël, délesté de ses kilos superflus, particulièrement affûté. Il planta des essais comme qui rigole. Seul Arnaud parvenait à rivaliser. Walid aussi déposa souvent la béchigue en son paradis. Une affaire de présidents en somme. Nous, nous fîmes au mieux. Avec un JB toujours aussi fringant. Mais la palme revient à Kiki. Il franchit souvent la ligne adverse. Et poussa l’altruisme jusqu’à stopper sa course pour attendre le partenaire qui n’aurait plus qu’à filer à dame. Il y eut bien quelques chamailleries. On mettra cela sur le compte de la moiteur. Et ce fut un bonheur de retrouver Yannick dont la ceinture abdominale prolifère. Il est vrai qu'il accorde toute sa dilection aux vertus callipyges de l'ostéopathie. Le derrière, pas le devant.

Au trou Rocchietti était de service. La raison me pousse à chercher le fil conducteur entre le pâté servi en entrée, la brandade de morue et les éclairs au chocolat. C'est le lourd. Domi fit dans le lourd. Mais avec talent. Oui, nos bourriques ont du talent ; elles savent mettre du goût dans les prolongements culinaires de leur identité.

Le pâté, je devrais dire les pâtés, l'un de campagne, l'autre de foie, étaient excellents. Et les petits cornichons itou. Quant à la brandade, un régal, d'autant qu'elle était allégée par une salade verte bienvenue. Comme tout un chacun le sait, la brandade de morue fut créée à Alès, par Sieur Augier. C'est donc chez les parpaillots qu'on la servit pour la première fois. (Saviez-vous que parpaillot vient de l'occitan parpalhol qui veut dire papillon, et que les protestants furent affublés de ce sobriquet à cause des vêtements blancs des calvinistes ?)Pourtant, elle, la brandade (du provençal brandado : chose remuée)  a fait le bonheur (ou le malheur) de bien des déjeuners catholiques du vendredi. Une manière de célébrer l'édit de Nantes ? (L’édit de Nantes est un édit de tolérance signé le 13 avril 1598 par le roi de France Henri IV et révoqué sous le règne de Louis XIV par l'édit de Fontainebleau le 18 octobre 1685. Il reconnaît la liberté de culte aux protestants).

Mais revenons à nos moutons. Hamilton prit deux portions de brandade. (Les moutons adorent la brandade, et c'est d'ailleurs à cela qu'on les reconnaît). Moi, je n'en pouvais plus. Il est étonnant Alain, on se demande où il fout tout ce qu'il ingurgite. Idem pour JB.
Le lancer d'assiettes fut parfait. Domi excelle dans le lancer à une main.

En guise de fromage, du brebis et du brie. Et, bien sûr, en conclusion des éclairs au chocolat. Un éclair (anciennement « pain à la duchesse » (avant 1850)ou « petite duchesse ») est une pâtisserie d'origine française fourrée de crème au chocolat ou au café ; on en trouve aussi à la pistache et parfois à la vanille. Le dessus est glacé au fondant ou au caramel; dans ce dernier cas, on appelle ce gâteau un « bâton de Jacob ». Pour ton prochain repas, Domi, ose le bâton de Jacob, il n'y a rien de tel pour damner le pion aux petites duchesses ! Ce n'est pas Kiki qui me démentira.

Le cœur léger, mais le ventre lourd, nous rentrâmes dans nos pénates.