Par Réglisse
Les vacanciers sont encore enneigés. La météo se morfond dans les giboulées de saison, même si le soleil se défend admirablement de tous ces passages cotonneux. Bref, nous sommes mardi, j’ai fini ma journée et tel un castor, l’appel du gazon se prononce. Ce soir la pelouse sera parfaite. Un brin mouillée pour nos foulées de castors en cannes. Le rendez-vous à cette saison est toujours nocturne mais bon le code est partagé et je serai au rendez-vous pour courir. Nous étions une petite vingtaine à avoir entendu l’appel des copains. La semaine dernière, certains s’étaient égarés et n’avaient pas traversé les grilles fermées. Les défenses sont ainsi faites pour barrer aux ambitieux les petits plaisirs qui nous éloignent de quotidien. Il faut tenir l’adresse code ! Maintenant c’est chose faite, nous pouvons toucher la « green zone », si enviée et si dangereuse à la fois. Dangereuse par tout le plaisir qui lui correspond. C’est le propre de toutes névroses qui lie tout plaisir à son interdit et inversement. Le plaisir de se retrouver, de papoter, jusqu’à ce que nous nous rendions compte qu’un rien peut tout changer. Et le rien des semaines passées tenait dans une clé. La définition d’une clé est pourtant simple. Elle prend souvent peu de place, elle crée des liens, elle maintient des édifices, elle entame les symphonies et parfois ouvre les vestiaires. Mais pas de « sésame ouvre toi » qui tienne. Les vestiaires sont restés fermés. La tragédie des vestiaires inaccessibles hante encore les premiers arrivants. Le souvenir du Barde se réfugiant dans ses symphonies, Mozart louant chaque note de cette prière dédiée aux amoureux d’échappées lyriques et Crou Crou battant la mesure, n’eurent point d’effet sur l’ouverture. Wagner, Brahms couchent les clés comme les castors les semaines passées ont couché dehors. L’image de ces incantations nocturnes pleurant l’absence des clés, pour espérer les fameuses chevauchées des « Castor qui rient » n’est heureusement plus qu’un mauvais souvenir. Notre sauveur de rêves ou plus précisément notre gardien des clés, en toute innocence sortit le fameux trousseau pour permettre la mise en tenue. Bernachatte dans ces moments là nous l’aimons.
Le jeu fut périlleux. Nous passâmes rapidement sur grand terrain. Nous entendîmes notre Barde, homme d’expérience et philosophe à ses heures nous rappeler en vers… et contre tous, sa pensée de protéger un espace limité aux hommes de doigté plutôt que des espaces dilatés aux jeunes en canne. Il est maître des mots et par conséquent gardien du temps. En effet, l’écrivain, dans la solitude des lettres, assume de l’être et le fait savoir. Le jeu lui donna raison. Le ballon s’est aplatit douloureusement derrière les lignes. Les défenses usées par l’effort des assauts des attaques fougueuses et vaines des troupes en culottes courtes. Il y en a eu des mouvements, du construit au moins construit, de l’opportuniste au moins opportuniste. Nous eûmes dans ces assauts des blessés même si la masse des Ricous sur le pré nous autorise un quota de pertes non négligeable. Nous en perdîmes un ! Blessé dans son orgueil au genou. L’hypothèse de situer l’orgueil au genou ne me parait pas dénuée de tous sens. Le courage est au cœur ce que l’orgueil est au genou. Même si pour l’homme en question, il s’arrêta plus par défaut de genou que d’orgueil. La psychologie du castor est ainsi faite : elle débute systématiquement par le physique. Pour équilibrer les forces en présence, les Ricous résistants prouvèrent leur sens du groupe dans la vengeance nécessaire à l’affront. La bande des Ricous, il ne faut pas y toucher. C’est Jean-Phi qui en fit les frais. Tétanisé dans sa course, il comprit dans l’impact qu’il ne faut taquiner un gars de la bande. Je crois que Jean-Phi situe l’orgueil au niveau de l’épaule qu’il ne cessait de frotter suite à la charge héroïque du dernier Ricou. La Bande poussant alors son fameux Crou Crou Ricou…
La douche, la route, le retrait de sous et au trou. Ca en fait des ou dans une phrase qu’en dites vous…
Le moderne appartient à Pépé. Les clés de celui-ci sont magnétiques et bien efficaces pour nous autoriser le plaisir de se retrouver dans le trou. C’est Domi qui cette fois-ci est de bouffe. Fatigué par nos joutes rugbystiques, le rendez-vous des gastronomes nécessita un moment pour se désaltérer au comptoir. Malgré le temps qui tourne. Notre cuistot du soir sait se faire attendre et entendre. Domi profite de l’ambiance. La cuisine peut attendre. Seul Pépé avait son assiette de prête. Un mélange de fraicheur de tomates et de mozzarella. La découpe est Dominicale. C’est à dire épaisse et puissante comme le découpeur. Domi l’a joué fin sur ce coup, il nourrit les anciens pour se permettre une pause au comptoir. Le Tcho et Jacquot sont loin d’être miros et firent le raffut nécessaire pour rameuter la masse à la bouffe.
Nous eûmes nous aussi nos tomates et la mozzarella. Directement dans le plat, n’est pas Pépé qui veut. L’entrée annonce le printemps. Point de soupe mais bien en mélange estival qui lie la tomate à la mozzarella. Mozart est là aussi. La différence est que la mozzarella prend deux « z » et deux « l » et incite à se servir deux fois. L’origine de ce fromage est comme son nom l’indique italienne. L’Italie et ses saveurs se tirent aux pis des bufflonnes. C’est comme ça que l’on nomme les vaches en Italie. Dans tous les cas La bufflone est la femelle du buffle dont il faut en revanche se méfier de tirer le lait. Le nom vient du bufalo, c’est de l’italien je le rappelle qui vient de boubalis en grec. Bref dans l’assiette, du rouge et du blanc. Une légère vinaigrette et voilà c’est simple, copieux et agréable en bouche. Les discussions allaient bon train, l’appel de la suite nécessita quelques frottements de vaisselle. Et voilà la débandade de brandade. C’est le dada de Domi. Là aussi Domi prévoit large. De l’Italie, le passage par la méditerranée et ses ports français nous rapproche du trou bordelais. La brandada de bacalhau est un met à base de morue, spécialité de Nîmes et du Pays Basque. Apparemment le mélange morue et pomme de terre navigue de port en port. Les morutiers basques, ne voulant pas perdre leur cabillaud après leur salaison inventèrent le piquillos farci à la morue et la brandade de morue parmentière. La morue se cuisine et apprécie les salades. Le sabite de la soirée s’est fait dans le rince dent. Nouvelle appellation contrôlée validée par les hautes autorités sanitaires bucco-dentaires. Les débats s’articulaient autour de l’organe de prédilection pour profiter comme il se doit des saveurs d’un vin de renom. Le sabite, lui, s’apprécie avec les dents. Les papilles sont facultatives. Le Reindent de son vrai nom se boit avec les dents. Notre dentiste approuve et notre viticulteur acquiesce. Peyo désespéré, montrait ses dents à chaque gorgée. Notre Sabite fait du vin et bientôt il va en faire le double. L’annonce est faite. Le nouveau sabite va fêter ses 40 ans. Putain 40 ans, c’est un bon cru de l’année 75. Et je crois qu’il a encore toutes ses dents. Les Archiballs motivés pour inspection dentaire en règle doivent se réserver le samedi 27 Juin. C’est facile à se rappeler c’est une semaine après Lacanau.
Nous voilà au lancer d’assiettes et de mémoire de jeune archi, celui-ci a été dantesque et abracabrantesque. Notre Domi siégeait derrière le bar. Les épreuves, il les affronte. Le lancer minimum était au-delà de 3 mètres. La puissance du tir bien réglée, la visée approximative et le bal attrape est lancé. Le silence qui flottait dans la brandada party fut vite oublié suite à ses exploits ballistiques. Nous observons le silence quand le plat est bon. C’est vrai mais le moment mérita de pousser la chansonnette. Les exploits se chantent, la brandade se mange.
Le fromage le pastis landais, le café. L’affaire est bouclée.
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