Faute de lumière sur Bergonié, nous nous rapatriâmes sur le terrain annexe. Un retour aux sources, en somme, le temps retrouvé. La pelouse était parcimonieuse mais douce. Serge y trouva son compte. Notre homme goûte la tradition ; c'est un pur. Le Préside, lui, eut des réminiscences et sifflota sur l'air d'Il était une fois en Amérique ; son Amérique, c'est Musard. Il a quelque chose de de Niro Arnaud, celui des débuts, de Taxi driver ou de Deer Hunter.
Si les cannes étaient d'un côté, elles ne firent illusion que quelques minutes. Car les mains étaient de l'autre. On ne peut pas tout avoir. Et, question mains, le camp de Serge, de Titi et Croucrou prit assez vite la mesure des choses, enchaînant les essais, les belles passes. Au grand dam de Dudu. Une belle passe vaut toutes les cannes, qu'on se le dise. La grâce n'est rien sans un peu d'art. Même Perdigue donna son ballon. Comme traversé par une révélation qui, jusque-là, le désertait. Le camp adverse, dépité, marmonnait d'imaginaire en-avants pour atténuer sa déroute. N'importe, c'était une belle soirée d'automne, comme on les aime. Enfin, si l'on est du bon côté.
Un deuxième entrainement…
Ce début de saison est pour le moins chaotique. L'éclairage toujours aussi capricieux n'arriva que vers 20h45 et sur le terrain annexe. Celui avec de la vraie herbe, faisant la joie des rugbymans végans et autres experts en science du mouvement et traumatologie.
"Le hasard fait bien les choses". Bof, cette assertion d'optimistes béats, si répandue chez les négociateurs européens du futur traité transatlantique qui nous fera bouffer du bœuf bourguignon américain en gélules, ne put être vérifiée.
En effet, d'un côté, une équipe (1) composée de quelques ultras expérimentés et de jeunes pleins d'énergie, de l'autre une équipe (2) homogène et en réussite même si manquant cruellement de recul sur son vrai niveau de jeu, j'y reviendrai. Si le premier quart d'heure fut équilibré du fait des cannes des jeunots, la dernière demi-heure fut un cauchemar pour l'équipe 1. En défense et acculée dans ses 22m, 80% du temps, seules quelques pertinentes initiatives de Jean Philippe lui permirent de sortir la tête de l'eau. De plus, Jean Phi, avec la sincérité d'un Caliméro, fit remarquer justement que les commentaires acerbes de l'équipe 2 étaient parfois surnuméraires.
En effet, côté équipe 2, on profitait honteusement des errements défensifs, on se régalait des imprécisions techniques, on se délectait des courses erratiques, bref on se gargarisait de la faiblesse adverse. Si leur compteur d'essais tourna régulièrement, il ne put faire oublier le nombre hallucinant d'occasions bazardées. Toute la panoplie des cagades U10 y est passée. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas voir ce jour, des mails de parents demandants si quelqu’un aurait récupéré le slip de Perdigue, les chaussettes de Serge ou le tableau du Douanier. Tels des gamins ingrats, insensibles aux profondes blessures narcissiques qu’ils infligent, ils raillaient l’autre équipe. Ah les enculés, fallait les voir les Pogba et autres Matuidi, suffisants, goguenards et satisfaits de leur large victoire contre des Roumains sous-alimentés, la veille de se prendre une branlée contre les Allemands. Vous l'aurez compris, j'étais dans l'autre équipe ! Et comme disait Dudu Sartre : " L’enfer, c’est mon équipe !"
Pour sauver l'entrainement tout de même, je retiendrais un moment d'une grâce particulière. Essayant d'intercepter, certains diront taper, le ballon, Zeille parti dans un grand jeté aérien de toute beauté. Malheureusement, les normes sociales conservatrices, les stéréotypes genrés qui veulent qu'un gaillard, fort, viril et sur un terrain de rugby, ne puisse laisser exprimer sa sensibilité voir sa féminité, lui valurent quelques poufferies auxquelles il répondit avec beaucoup moins de sensibilité il est vrai…
Le Barde était dans le bon camp. Il manquait un Eric pour que la bande des 3 ricous puisse briller une nouvelle fois au grand complet. Le trio vaut le détour même si pour ce soir nous ne profitâmes que d’une paire. Heureux qui, comme Eric, a fait une belle passe ou comme cestuy-là qui cultive le gazon, Et puis est retourné, plein de tact et de passion, percuter sans détour et pèlerinage... Piou Piou en amateur de belles passes multiplia ses génuflexions sans lamentation, toujours tourné vers Le mec. La grâce subjugue ce que l’impie prie. Le prophète en question est notre Barde. La beauté pour le traiteur mérite sa prière. A défaut de trouver de dieu qui d’après les dernières nouvelles serait partout. Nous pointons les prêtres, gardien d’un temple. Le Barde est une œuvre à lui tout seul et un gardien pour tous. Redoutable quand il est armé de son sifflet. Nous ne l’attachons pas en bon lecteur d’Uderzo (c’est notre côté gosses qui nient), nous le préférons libre avec ses envolées. La passe magique fut sienne. Le geste est constructif dans un sens et destructeur pour l’autre. L’opportuniste est toujours un bienheureux. Un éphémère devant l’éternel. Nous avons retrouvé les images filmés en super 8 de l’exploit. Magie de la passe quand tu nous tiens. Le Barde ne se contente de l’écrit, il s’apprécie en image. Blog à part !
21h30 sonnait, il était temps d'aller voir Le vieux 4 dévorer l'excellent bœuf bourguignon hors TAFTA de Luc et converser dans un dialogue de sourd, digne des meilleurs sketches de Chevalier et Laspales, avec ce taquin de Barde.
Au trou, Luc était de mise. Pas de Tcho. Plus de Tcho. Sinon par intermittence ; il faudra s'habituer. Ses mèches rebelles vont nous manquer. Mais la Jacouille et Pépé, en gardiens du temple, étaient bel et bien là. L'assemblée était convenable. Amélie et le vieux quatre avaient fait le déplacement. Luc avait confectionné une macédoine emmitouflée dans une lame de jambon, le tout servi dans une verrine. Avec un peu de charcuterie pour densifier la légèreté de sa proposition. La macédoine est rare au trou. Il flottait comme un parfum d'enfance.
Tout le monde est assis. Le bar a fait son œuvre et les castors libérés de leur pression sont à table. L’entrée appela la suite. Luc en chef cuistot siège auprès de Pépé. A eux deux ils ont deux genoux pour quatre jambes. Cela fait maigre pour un bout de table. Jacquot s’en est écarté pour se fondre dans la masse. Le Tcho aussi a déménagé. Saint Luc est un sein protecteur donc bien nourricier. Il tient sa place à défaut de se nourrir du pré. Le rugby est ingrat il met à rude épreuve les tendons et ligaments de notre existence. Le genou est une articulation pas comme les autres, les castors sapiens sapiens l’ont nommé ainsi sachant que la marche nous relie aux hommes dans notre caractère social et explorateur qu’elle impose. La marche est un niveau au-dessus qui nous distingue de l’érectus. L’érectus peut se vivre en bon égoïste et appréciait la solitude des bras finalement autonomes… Il faut bien un niveau sapiens pour se penser à l’autre et coordonner tant de liberté. A quoi ça sert d’être debout si ce n’est pour avancer. Une marche sans genou ça n’existe pas. Le caractère social des castors évolués tient dans la solidité de ses je-nous. Freud sur le sujet nous casse les pieds et ne n’envisage la chose qu’en dessous de la ceinture et du coup se prend la tête (niveau sapiens 3ème dan). Lacan en a fait tout un séminaire. Le Barde de son côté à l’estomac au talon. Luc se libère par sa présence et n’est pas sur les rotules pour nous faire la bouffe. C’est le propre d’un mental solide pour con-penser ! Ce soir, ce sera du Bourguignon en Bœuf. Sacrifice d’un animal à quatre genoux mais qui n’est pas sapiens sapiens. Comme quoi le «sapiens »ne se mesure pas au nombre de ses genoux valides. La nature se sublime par ses contradictions. Evolution oblige…
Luc nous proposa son bourguignon avec sa grosse patate. Il tient la forme. Pépé a le sourire, le béret tourne sur lui-même quand le met passe en bouche. Le castor de tablée reste humble. La modestie relève la sauce bourguignonne. Le Sabite y prêta une concurrence passagère. Le monopole est tenu en dehors de toute cuisson et le guillou fait bien son œuvre. La quantité permet la resserve et les castors même évolués prennent beaucoup de plaisir. Le plaisir n’est-il pas le noyau de la vie ? Titi sur le sujet ne parle pas la bouche pleine.
Le lancer fut parfait. Pas une assiette sur le carreau. Maria sera dispensée de nos enfantillages et de leurs maladresses. Puis, le fromage sous l'air gonflant d'une chanson monotone vint. Amélie, poussé par moi-m'aime, se prit au jeu de la présidence de la FFR. Son slogan : Avec Cambot, le rugby qu'il nous faut. Hamilton suggéra : Cambot, le rugby au naturel. Puis, ce fut le temps de la tarte aux pommes et du flan.
La nuit était calme, paisible. Le Prez se prenait pour James Coburn et Perdigue pour Fred Astaire. "La nuit venue on y verra plus clair" dit le vieux quatre en rentrant dans ses pénates. Il aime citer Topor l'animal. Nul ne lui en tiendra rigueur.
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