"Au joli mois de mai, au
pré vive la gonfle" chantonnait le Bardibule en foulant le synthétique.
Dudu, lui, n'avait que faire de la chansonnette et s'adonnait à ses
rituels. Il s'étirait, trottait, s'étirait de nouveau, s'étirait,
faisait de petits pas, etc. Il pestait un peu en regardant l'état du
terrain annexe et les méfaits de la morue. Fût-elle en fête.
Nous
étions une quinzaine. À peine. Pas de Serge, de Seb, de Croucrou.
L'ambiance fut guillerette, le ciel clément et les premières passes
laborieuses. Puis, le jeu se fit plus alerte, précis. Il y avait le camp
des cannes et le camp des passes. Bon, ce n'était pas aussi binaire.
Disons que ceux de Jean-Phi filaient droit lors que ceux d'Alban
privilégiaient la transmission. Deux visions du rugby, deux visions du
monde. Titi sait accorder les deux : il file droit à bon escient et sert
ses partenaires quand il le faut. Le rugby est pinson. Toto était bien
en cannes. Le jeu a besoin de passes et des jambes pour la finition. Il
n’y a pas à dire mais la vitesse est un paramètre dévastateur dans
toutes conquêtes d’espace. Einstein l’associe à la masse pour
s’approcher de la lumière. Une relative éclaircie se dessine à chacune
de ses multiplications. Si nous utilisons la formule mathématique et non
moins universelle de notre rapport au temps, nous pouvons anticiper la
perforation des défenses récalcitrantes et les prises de trou
intempestives.
Qu’importe les gusses, le chiffre fait loi ! Il est bon
d’avoir en premier rideau, voire en deuxième rideau, voire côté jardin
un lévrier en bourre. Toto était en bourre. Au grand désespoir de tout
perforateur numéroté. « La ligne est à moi, la ligne est à moi ! », avec
ou sans la balle. La vitesse est plus forte que la masse.
Quant à Flo,
blotti sur son aile, il nous gratifia d'un essai tout en débordement.
Une merveille du genre. Flo
est un calculateur doodeleur et son équation l’a rendu sur le pré dans
l’en-but. Le paramètre toto n’étant pas un inconnu dans son opération.
La mise au carré s’est faite pour Peyo qui se prêta au jeu du chat et de
la souris pour ne pas dire la fée des dents.
Peter : « Qu’il est bon ce sentiment de courir la fleur au vent et la balle sans en avant… »
Pintxecouille :
« Mmmm h mmeo mmmme mmejom memme*… »* Kolkhozes toujours tu
m’intéresses ! Le toucher c’est sérieux et à ta place je porterai un
protège dent !
Peyo
comprit que le castor écrivain est en grève de mots sans son mentor pris
dans d’autres polémiques jogger. Question de lune apparemment après
tout le 21 juin est pour le militant une entrée dans les hospices d’été.
Comme quoi l’amour en phi se muselle tout simplement avec un protège
dent. Du coup le castor insoumis garde son outil de travail intact. Pas
bête l’animal ! Et Peyo de traduire à sa manière le meuhmeuh aussi
insoumis : « Tu vois Peter un protège dent ça ne sert pas uniquement à
garder canine, ça permet aussi de ne pas dire de connerie… Reste
concentré et joue le ballon putain !!! »
Peter : «Tu es jaloux ma poule, attends que je t’attrape et tu m’en feras aussi tout un poème. »
Sur
ce, Peyo prit le trou cette fois ci avec la balle. Le changement, c’est
maintenant ! Ni une ni deux Peter poussa son ode et partit en chasse.
L’action cajole la ligne. Le duel fait éclat ! La course se joue à deux,
l’un avec la balle, l’autre sans protège dent. Et ce fut le drame.
Peyo coupa la chansonnette par un coup de coude malencontreux. Et à ce
jeu, c’est la dent qui perd.
Peter le sourire ventilé de houspiller : « Qu’il est fon fe fentiment de fourir la leur au fent et la falle sans en afant… »
Pintxecouille
libéra ses dents toujours intactes par sympathie et articula en bon
révolutionnaire du beau jeu un leitmotiv digne de ses parties « A toutes
causes perdues, l’espoir d’une nouvelle colle cause…». Le barde est aux
anges. L’aération fait révélation à défaut de révolution.
Quand
vient le temps du douanier, le trou est au beau.
Jérôme avait choisi la
fin du printemps pour nous régaler. Le grand Tom était là. Lolo et
Guitou itou. C'est toujours mieux quand ils sont là. Comme Jérôme est
sans frontières, il ouvrit nos palais à l'Espagne, puis à l'au-delà de
Gibraltar avant de revenir vers la douce France. Une invitation au
monde.
Le Gaspacho était froid. Les croutons en mire et l’Espagne en
pointe. L’été se rapproche enfin. Pour le douanier, le dépassement des
frontières fait son dada. L’Espagne est proche. La montagne est belle du
coup, il nous refroidit avec une soupe. Pépé aime le moulu et partit
comme nombreux sur une resserve bien appréciable. La frontière des
délices n’a pas de secret pour notre garde barrière. L’homme est serein.
L’ambiance est dans le rafraichissement même Piou Piou rigole. L’art de
la rigole est technique. Du coup l’homme profita de tous ces mets le
cul mouillé. Prof sur le sujet tape des allers retours passionnés. Les
castors sont ainsi, ils aiment parler même si cela reste une affaire de
cul mouillé. La soupe à peine réchauffée par la discussion fit place à
du poulet.
Du cul mouillé à une poule mouillée, il n’y a pas de
frontière qui tienne. Du coup le douanier sortit l’artillerie. Celle des
saveurs orientales qui occupèrent l’Espagne. L’identité se fait dans la
différence. Le poulet tient des saveurs citronnés, des olives de
Médine, des épices de Casa. L’art est extrême dans l’orient. La semoule
comme appui. Le plat reste une conquête réussie.
Le
lancer d'assiettes fut à la hauteur de Jérôme, c'est-à-dire à la bonne
hauteur. Sauf pour Hamilton inhabituellement maladroit à la réception.
Et pour Pépé. Il manquait les quelques centimètres nécessaires à sa main
gauche. En sorte que la vaisselle se fracassa sur la table. Sans
conséquences. Pépé reprit sa conversation de plus belle. Flo et le Prof,
eux, étaient engagés depuis belle lurette sur les incertitudes de la
vie de couple. Flo jouait les gardiens d'un temple dont les bienfaits ne
sont plus à prouver. Quant au vieux quatre, il filait la métaphore
végétale sur l'art de brouter le pré. Il lui manque le pré au vieux
quatre.
Le
fromage était en trio. Avec un saint-nectaire de haute tenue. Lolo aime
le saint-Nectaire. L'affaire est entendue. Il ne restait plus qu'à
aborder le dessert. Des œufs au lait paraît-il. Un retour à l'enfance.
Amélie était aux anges. Et le reste de la tablée aussi.
Il
était temps de passer au comptoir pour une belote éponyme. Seuls cinq
joueurs. Les trois bardes, ceints par Hamilton et Titi. Le Barde
l'emporta. Une première. Le Bardatruc eut un peu moins de chance. Il y a
des mardis sans et des mardis avec. Peyo et Flo bavardaient à l'autre
bout du comptoir. Le trou se dégarnissait lentement.
Un
léger vent du soir effleurait la ville. Le vieux quatre fixait des
vertiges. "Nous avons des nuits plus belles que nos jours" soupira le
Bardibule. Et de s'enfoncer dans la nuit.
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