Par le Barde et Bardibulle
Alors Guitou pénétra sur le pré. Il y eut un long silence. Serti dans un maillot jaune et noir aux manches à damiers bleus et blancs, il fit quelques tours de terrain pour préparer son corps. Pioupiou n’en pouvait mais. Dudu esquissait une pointe de jalousie ; une pointe ce n’est rien. Guitou fredonnait Mais où sont les herbes d’antan ? Arrivé au terme de son méticuleux échauffement, il choisit ses comparses.
Et moi lui susurra Pioupiou » dont le désir resta lettres mortes. Un Piou Piou sans réponse, c’est comme un Guitou sans gloire. Ca n’existe pas ! Il se retira vexé à la Cantona sans pour autant jeter son maillot. Se déséquiper dans le temps qui courre n’est plus une mince affaire. Il n’avait pas lésiné sur les moyens pour porter haut et fort son sens des responsabilités. Il ne rigole pas avecla santé de ses castors. Escassut quand tu nous tiens. La sécurité face à l’invisible malheureusement préconise l’isolement (à ne pas confondre avec isolation) Le scaphandre de Thomas Pesquet lui allait pourtant si bien. Un piou Piou de l’espace. L’avantage en scaphandre c’est qu’il n’y pas de son. Dommage que le stade ne soit pas en apesanteur. « La lune est ma confidente et pour mon cas m’isole ». Pas anodin que la non réponse de Guitou en bon sein protecteur n’est trouvé l’émetteur. La combinaison est hermétique à tout air et se branle des vibrations. Sein protecteur, repliez pour nous pauvre prêcheur.
Les vestiaires du coup accueillent sa solitude. Et c’est reparti pour un énième déséquipement sans savoir. A veiller à mettre le sale avec le sale et préservant le propre avec le propre. Une véritable infirmière en crampons. Gloire à elles et penser à nos docs. La sur blouse et blouse, le masque en canard qui nous rappelle que nous avons la queue plate, les lunettes de protection. Déformation professionnelle quand tu nous tiens. Il regarde autour de lui, le mur mure la solitude. Putain dans ma tête et dans le pré qu’il est bon de courir. Son téléphone vibre. Il frotte ses mains du gel de protection. Regarde l’écran. Enfin quelque chose de tactile. Il effleure avec douceur, un message s’ouvre « Chouette du Gwen en quarantaine! ».
De son côté le doc n’était pas à son aise. A chaque ballon attrapé il mettait en place un protocole contact à défaut de protocole commission. Il court avec un flacon de gel hydro-alcoolique lui aussi. A chaque passe envoyé, un joueur en moins. Le temps de nettoyer ses mains vraiment redoutable contre la transmission. 30 secondes de frottage, lustrage, séchage et le voilà dispo pour attraper la balle. Dudu a du talent, sa solution est dans le port des gants. « Le plastique c’est fantastique, le caoutchouc hyper doux », il fredonne à chaque feinte, rien de pireque la guerre morale. Sa passe n’en est pas moins aussi dévastatrice. Son sens de la prise du trou le préserve de toute touche, donc côté protocole le castor reste tranquille.
Gwen pour une fois a appelé pour dire qu’il ne viendrait qu’à la bouffe. Il travaille les plans d’attaque sur écran. Son physique l’assujettit au minimum d’une visuo-circonférence. Faire le tour de la
bête aurait mérité une rocade. Tant de travaux en perspective. La patience est l’antichambre du solide. Il travaille sur vidéo pour préparer les troupes à mieux prendre les trous de la gloire. L’image le préserve du contact. Si Lacan m’était conté. Gloire à l’équipe technique.
Pas de douche, ras le cul des gouttelettes.
Le Prez était de bouffe, le sourire aux lèvres et le tablier paraphé d’une superbe antilope. La Jacouille achevait une belote monotone avec le vieux quatre qui n’avait pas la tête aux cartes. « Jacouille as-tu
du coeur » murmura-t-il désabusé. Le vieux quatre rêvait d’autres cartes , des cartes océanes, et sans doute devait-il de telles pensées à la compagnie de l’amiral qui affectait une indifférence polie au triomphe de Jacouille.
Le Prez avait disposé sur la table des poireaux parsemés de trèfles à quatre feuilles. Une vinaigrette onctueuse se prélassait sur cet assemblage qui laissa Pépé circonspect. « Ai-je une tête à brouter ? » confia-t-il à JB, « le poireau passe encore, mais le trèfle ! » Le Prez n’en avait cure. « Il manque quelques radis » s’enhardit Amélie. Et c’est vrai qu’ils n’auraient pas été de trop. N’importe, il y avait dans cet hommage la marque d’un homme de goût. Le Tcho s’inquiétait pour la suite. À tort. Car la suite présidentielle dissipa ses craintes.
Le Prez est une invitation au voyage. Le trèfle équipé en feuilles fait bonne providence. Dans tout régime au vert un Saint Patrick veille. La soirée se doit pour le cuistot faire espérance. A défaut du Cap. Le Prez garde le sien. Les projets sont en sommeil. Pour le soir, le réconfort des castors mérite son ragoût. Rien de tel qu’un plat qui mijote pour réchauffer les cœurs. L’Amiral apprécie le clin d’œil et ne prend à la belote qu’avec du trèfle, c’est son cœur. L’Irish stew en anglais ou stobhach Gaelach en irlandais à base de viande d’agneau, servie avec des pommes de terre, des oignons et des carottes. Il s’agit d’une potée, historiquement à base de viande de mouton. La viande est accompagnée d'une sauce à base de Guinness. Grosses pensées à nos amis de l’ovalie qui se joue dans l’international. La prochaine Guiness fera bien de belles moustaches blanches. Foie de castor.
Une palette de fromages se proposait à nos lèvres et nos palais. Crottin de Chavignol, Brie de Maux, vieux gouda et, cerise sur le gâteau, comme pour mieux faire patienter nos envies de dessert, un
Salers à damner tous les saints, si nombreux à la table. Le trou est une cène qui outrepasse le nombre des Évangiles.
Le dessert sera détourné. Un Irish coffee. Le bar est en carence de verre. Le mélange est délicat. La chaleur du whisky, un café torréfié à la Peter électrique et délicat, et une crème à l’irlandaise. La paille à usage unique en chocolat. Le Prez est un artiste.
Comme de bien entendu, une belote se dressa. Autour du tapis vert, usé, élimé, six dés, six joueurs. Christophe était certain de triompher enfin ; il pressentait une main heureuse. Il y a loin des
rêves à la réalité et ses espoirs partirent en fumée. Jacouille exultait, le vieux quatre ronchonnait et le Prez fit contre mauvaise fortune bon cœur en sortant au milieu du gué.
Le printemps est à nos portes. A peine avions-nous mis le nez dehors que la douceur de la nuit nous enivrait. Une nuit baudelairienne propice à l’ivresse chère à Baudelaire et à Gwen. Coco et Pépé partirent bras dessus, bras dessous. La vie est un songe.
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