30 avril 2016

La lionne et le Castor

Par Le Barde

Le soleil se dissipait. Peu à peu, ils arrivèrent à Sainte-Germaine, le pré originel du rugby bordelais pour le crunch entre les Old Lions et les castors. Deux manières d'être rugby. Les crinières contre les queues plates. Ceux de la savane et ceux des eaux. Les rugissants contre les feulards. Les carnassiers contre les rongeurs. Mais une seule et même passion, la gonfle, et, au bout du compte, n'est-ce pas, une identité commune.
 
Dudu et Guitou étaient là. Le cœur partagé. Et la Jacouille. D'autres encore avaient fait le déplacement. Comme La Piballe ou Yannick callipyge. Nous étions sur le terrain annexe de Sainte-Germaine, là où les cadettes des Lionnes triomphent si souvent. Dimanche, elles jouent une demi-finale du championnat de France contre Sassenage. C'est mon côté lion puisque ma fille est lionne. D'où cette parenthèse. Revenons-en au sexe que, trop hâtivement, l'on dit fort. Henri Michaux écrit à raison : "Garde intactes tes faiblesses."
 
A la nuit tombée, le coup d'envoi fut donné par Titi. Pas un nuage. Un froid de fin d'hiver, vif. Deux arbitres opéraient. L'affaire était sérieuse. Il y avait loin des compositions du dernier crunch qui vit la victoire des queues plates. Les deux sociétés se sont considérablement rajeunies. Le virage générationnel est en marche. Seul Titi préservait les traces d'un autre temps. Sans que cela n'apparaisse le moins du monde. L'état civil est une chimère. Donc Titi entama les hostilités puisque Titi était à l'ouverture. Il s'appliqua. La gonfle taquina le ciel puis trouva des griffes accueillantes. Une hutte se forma. Le lion se mutait en castor et le castor en lion. Sa défense, d'emblée fut féroce. La rencontre était âpre, disputée, ponctuée de coups de sifflet stridents. Ça parlait beaucoup, se chamaillait un peu. Mais ça restait bon enfant. Enfin presque. Cap'tain Gwen rameutait ses troupes, pétait comme un beau diable. Benoît découpait à merveille. Jean-Phi faisait montre de ses qualités défensives. A la mêlée Seb orchestrait. Les Olds étaient un peu plus dans le rythme. Et marquèrent les premiers. Un hommage des castors à mon ancêtre le Comte d'Anterroche et à sa légendaire injonction : "Messieurs les Anglais tiraient les premiers !". Crunch oblige. Ils auraient pu augmenter la mise, les Olds. Las, ils se heurtaient à un roc. Toute hutte est un roc. On n'est pas castor pour rien. Et sur une sublime inspiration de leur arrière. Les archi égalisaient par Maxime. De la très belle ouvrage. La partie s'équilibrait un peu. Le public grondait parfois. Les Olds reprirent l'avantage par un drôle d'essai. La hutte tint momentanément du gruyère. La vie est ainsi faite, de trous. On préfèrera notre trou traditionnel, notre hutte du 1, rue de Bègles à cette absence d'un soir. La mi-temps était sifflée.
Le public se réchauffait comme il peut. Dès la reprise, le match reprit de plus belle. Toujours aussi âpre. Regis s'en donnait à cœur joie. Le Poulpe, de son aile, hululait. Titi distribuait sous l'œil nostalgique de Dudu. Stephane suppléait Jean-Phi et le Préside était contraint à l'abandon. Puis, la joute se tempéra quelque peu n'empêchant pas les Olds de franchir une fois encore la terre promise. Loin d'abdiquer, les Castors marquèrent un ultime essai avant que les belligérants ne rejoignent les vestiaires sans déroger à la respectueuse haie d'honneur qui conclut le crunch. Le castor d'or revient à Titi. Fort marri d'être le plus âgé du sien, il démontra qu'il résistait avec talent aux aléas du temps. L'argent sera pour Le Poulpe, anniversaire oblige. Et le bronze pour Régis.
 
Nous fûmes admirablement bien reçus. Guitou nous montra les photos de son équipe d'antan. La bière coulait avant que de gagner la table où le repas fut servi. Un moment d'altérité paisible. Le discours des présidents, puis, rebelote, mais sans comptoir, la bière acheva la soirée. A l'année prochaine pour un autre crunch ! Je serai de sifflet avec une lionne !

27 avril 2016

Le cuistot de Bouffe, l'interculturalité selon Bardibule

 Par le Barde ...sans son Bardibule


Le ciel était gris de nuages ; la pluie vint tapiner le pré. Le synthétique se moque des humeurs du temps, des nuages, des merveilleux nuages. Il est étale, net. Un trompe l'œil, un mentir-vrai. La petite vingtaine qui avait pris sur elle de s'abandonner au plaisir du toucher s'en donna à cœur joie. Comme souvent, il y eut ceux qui connurent les plaisirs de la belle ouvrage et les autres. Serge n'était pas dans l'équipe la plus accorte. Il marmonna un peu et, lucide, se rendit à l'évidence. En face, la gonfle avait une autre allure. Il y a des mardis avec et des mardis sans. Le Poulpe était là où il convenait d'être. Il tutoya les sommets et se régala de la terre promise à trois reprises.

Cette mise en jambes avant le traditionnel crunch avec les Old Lions fut fringante à souhait. Même si Dudu nous promit le pire. Il est bipolaire Dudu, partagé entre ses deux amours. Il a un côté Old et un côté Castor. En fait, il a un petit air de Joséphine. Louons-le. D'autant qu'il est toujours aussi alerte et juste balle en mains. Les mains, par la grâce d'une passe, sont altérité et ouvrent à la vie, la vraie.

Le Bardibule n'était pas sur le pré puisque le Bardibule était aux fourneaux. On ne peut-être l'un et l'autre. Nos règles calendaires nous dictent d'être, de temps en temps, enfant des mets et non de la balle. JB était là. Et lorsque JB est là, le monde est meilleur. Comme de bien entendu, la triplette Pépé, le Tcho et Jacouille nous gratifiait de son inestimable présence.

On connaît le goût de Regis pour l'interculturel. Il sait qu'un honnête homme est un homme mêlé, en bon disciple de l'auteur des Essais. Délaissant les miasmes d'une actualité arbitraire, il rendit hommage à la finesse du Maghreb. et pour introduire les débats, il nous gratifia d'une harira avec son inappréciable coriandre qui, soit dit en passant, est du genre féminin. Quant à l'harira, (en arabe حريرة, ḥ'rira), également appelée « bufertuna» à Rabat, c'est une soupe traditionnelle d'Algérie et du Maroc, d'origine andalouse. Elle est constituée de tomates, de légumes secs, de viande et d'oignons. Et de poids chiche. C'est peu dire qu'elle contenta nos palais. Et tout particulièrement, celui de Cary Grant. Alain-Charles et Titi ne furent pas en reste. Quant à Perdigue, il roucoulait. Une tourterelle.

En guise de plat, un tajine au poulet, avec une pointe de citron et quelques olives, accompagné, cela va de soi, d'un parfait couscous. Et pour contenter nos glottes, du Boulaouane. Exit le Sabit. Interculturalité oblige. Le tajine était d'une simplicité désarmante. La perfection n'est que simplicité. Le tajine était donc parfait. L'interculturalité n'est donc pas si complexe qu'on veut bien l'affirmer. Il suffit de s'abandonner à ses évidences. L'évidence, c'est ce qui est. Sans tambours ni trompettes. Certains retrouvèrent les charmes de la lenteur. Comme Stéphane ou Perdigue. Il n'est de plus bel hommage à un tajine que la lenteur. Régis, satisfait, couvait la tablée de son regard, sous l'œil attendri de Pépé.
Il conforta sa culture du rugby d'antan. Il n'est de bon bec que Pépé dit le Tcho admirable.

Le lancer d'assiettes fut à l'image du tajine. Parfait. Pas un débris sur le carreau du trou. Pas un. Le Bardibule est adroit, précis.

Pour exhausser l'interculturalité dont il est le chantre, il revint aux vertus occidentales du fromage. Un brebis à damner tous les seins, un brebis entier fut donc promis à nos gueules. Régis le découpa comme il découpe les mots. Titi en reprit (du brebis). Il tendait sa patte gauche avec vivacité. Et hop. La Piballe n'était pas en reste. Etc,.

Pour couronner ses travaux, le Bardibule conclut par un Pastis de Chalosse, onctueux, savoureux. Pour votre gouverne, Pastís est un mot gascon. Il signifie gâteau ». Etymologiquement, le mot dérive du latin pasticium. Par parenthèse, c'est le même mot qui est à l'origine du nom de la boisson appréciée au pays de Pagnol et ailleurs.

Une belote de comptoir se mit en branle. Ce qui sous entend que Perdigue en fut. Avec Serge, Amélie, Titi, Stephane et moi m'aime. Serge compensa ses déboires du pré et sortit le premier. Amélie la dernière.
La Piballe conversait avec JB et Alain-Charles. Le Bardibule était heureux.

Les nuages se dissipaient. La rue n'était pas très animée. La Piballe chantonnait. Il y a de la cigale dans la Piballe et ce n'est pas qu'une affaire de rimes. Non, la Piballe stridule vraiment quand il chantonne. Donc la Piballe stridulait du Verdi. Un ange passe dit un gardien de la paix. Il ne croyait pas si bien dire. La Piballe s'envola.

22 avril 2016

Le cuistot de Bouffe, Peyo ou la ruée vers l'or...loff

Par Le Barde et Bardibulle


Le pré était très convenablement rempli. Il y a belle lurette que nous n'avions été si nombreux. Une bonne vingtaine. Le printemps est là. Même Miguel participait à nos joutes paisibles. Et Pioupiou, accompagné de son petiot. Le Préside nous rejoignit sur le tard, après une île qui à défaut d'être Belle est d'Yeu ; ce qui n'enlève rien à ses charmes. Serge et le Tarbais assumaient leur gémellité pyrénéenne. Hamilton et Dudu leur faisaient face. Un duel de Titan. D'autant que Lolo, également flanqué de sa descendance était de pré. Un duel entre deux lignes en somme. Avec ses ratures, ses trouvailles, sa ponctuation. Le rugby est une phrase.

Le jeu fut vif, à défaut d'être parfait. Quelques ballons jonchèrent le sol comme autant de feuilles mortes. Un comble pour une soirée printanière. Il est vrai que JB n'était pas là. Sans lui, nous sommes orphelins. Comme nous sommes orphelins sans Guitou. Une banale affaire de repères dirait Lacan. D'heureux pères si l'on préfère. A chacun sa famille. Nous, sur le pré, on a la nôtre.

Force est de reconnaître à Titi cette faculté d'incarner une tradition du beau jeu. Par lui, le passé traîne ses restes dans le présent. Et c'est bien. La course est droite, juste, altière, altruiste. Dominique, inspiré, confirma que deux mains valent mieux qu'une lorsqu'il s'agit de faire une passe. Et Jean-Phi serpentait sans fin le long du synthétique. Au grand dam des siens. Il est insaisissable Jean-Phi ; c'est ainsi. Un serpent de pré.

Comme de bien entendu, ça parlait. Parfois un peu trop. Il y a ceux qui sont garants de la règle et les autres. Les garants de la règle sont frappés d'aveuglement, ou, si l'on préfère, ils sont narcissiques. C'est-à-dire qu'ils ne voient de fautes que chez leurs adversaires. La Piballe, indifférent, filait son arithmétique arbitraire. Lors que Toto filait vers son coin de paradis ayant, comme d'ordinaire, quelque chose d'un ange.

Peyo avait pris soin de demander à tout un chacun s'il serait du trou. En sorte que nous étions enfin d'une quantité acceptable. Des endives tapinaient sur la nappe blanche, attendant leurs noix et leur assaisonnement. Guitou était là, fringant, élégant, tel qu'en lui-même. Et c'était un pur moment de bonheur que de l'avoir enfin parmi nous. Pépé était de retour. Pas un mot sur nos retards habituels. Il paraissait heureux. Le Tcho itou. La salade ne fut qu'une formalité. Nous attendions le reste avec impatience.

Le trou était comblé. Les castors sont en masse pour le plus grand bonheur des anciens. Ils ont risqué un torticolis vertical à l’arrivée échelonnée des joueurs et horizontal pour le passage du bar à table. La descente et le va et vient ont mis à rude épreuve nos vieux casse-cous. Ils ont tenu le siège de l’hiver et se retrouvent au printemps pour chauffer leurs cervicales. Pépé à ses heures devient cascadeur. Son béret est son sein protecteur, sans lui il serait devenu chameau, un animal à deux bosses. Le Tcho, lui reste un homme qui tombe à pic. Les deux font vraiment la paire. Notre Pépé Tcho à nous ! Kermit et la cochonne n’ont qu’à bien se tenir. Bernachatte suit toutes leurs aventures sur son téléphone. Un vrai Geek jogger. Mais nos compères sur leur balcon se jouissent du monde et du rôti Orloff. Ils ont de la hauteur sur les choses. Ils en ont dégusté des merveilles du trou. Ils maintiennent leur place et lutte contre les poussées intempestives d’une jeunesse trop pressée. Le duo est solide et Jacquot leur complice de toujours un atout de choc. Il y a du monde au balcon. Le traiteur avait de la hauteur, son échelle du temps se graduait avec trois générations. C’est beau tout ce temps au trou ! Le temps pourrait se courber pour la naissance du monde mais d’après Einstein tout cela n’est que relatif. Mais les trois (compères) restent bien droits et savourent l’ambiance. Le rôti est fait pour les princes. Le veau ou le porc se cuisine à l’Orloff. Peyo nous a offert un rôti des anges. Il fallait y penser et Peyo l’a fait. Nous chantâmes quand vient la fin de l’été, car le rôti dans sa perfection se conjugue avec l’imparfait, un présent qui passe en somme. Sa saveur fait sa durée. Une longévité gustative et gastronomique digne des princes que nous sommes. Une durée éphémère me susurre Poussou, car « le plaisir se savoure en bouche et vide mon assiette ». Nous bûmes du coup du Sabite. Le vin est une offrande. Les légumes de leurs côtés étaient colorés. Peyo est un magicien. Les assiettes se font une nouvelle virginité après chaque resserve. Il nous rappelle que le divin est simple comme un bon rôti sans sa ficelle. Nous étions comblés, notre Guitou avec le sourire battait le rythme de sa chanson. Il est un descendant de mousquetaires. Comme d’Artagnan et Aramis, malgré les épreuves il préserve sa Constance.

Le lancer fut quasiment parfait. Dominique excepté. La faute à ses habitudes de manchot. Mais il sait se voltiger ; la prochaine fois sera la bonne. Une tome de Savoie à damner tous les saints nous régala. Il n'en resta pas une miette. Peyo n'était que dans le bon goût. Et ce fut la surprise d'un dessert à base de pâte feuilletée et de Nutella. Une heureuse trouvaille qui, sans doute, devait beaucoup à Olympia. Il a un côté Manet Peyo et le dessert fit long feu. Il nous servit un patxaran de derrière les fagots pour clôturer nos douces agapes.

Une belote de comptoir se dressa. Hamilton l'emporta. La dernière place se joua entre Amélie et le Tarbais. Vaincu, de guerre lasse, Amélie adressa sur le minois du Tarbais une carte neuve et coupante qui lui entailla la joue. Le Tarbais exagéra ses maux. Mais s'épargna la dernière place.

Il ne nous restait plus qu'à quitter le trou, rejoindre la nuit et nous laissait porter par les langueurs du soir. Peyo était heureux. En jetant un œil vers la voie lactée, il fit un salut complice à sa bonne étoile, celle qui d'aimer nous convie comme dirait l'Alighier. Le bon docteur se réveilla et sourit. Pépé, lui, ronflait déjà. Quant au Tcho...

14 avril 2016

Le Cuistot de Bouffe : Joël cultive un air d’ « OUN NE SOUM ! »

Par Le Barde et Bardibulle

Le temps est capricieux. Le soleil joue les chaises musicales avec à la pluie. Et l’averse nous fait sécher. 19h30, il pleut. Dans ma voiture les essuie-glaces guident ma motivation. A droite, j’y vais à gauche je n’y vais pas. Le rythme est continu et s’accélère. C’est un déluge. Putain, que le temps est capricieux. La décision est mise à rude épreuve, l’humeur sera humide, je penche à droite. Le phare sera le stade. Chouette, l’arrivée est une éclaircie, une couronne nuageuse épargne le stade. Le tarbais et sa relève sont à l’accueil, Croucrou et Hamilton scrutent la compagnie à venir. L’accueil est chaleureux. Putain nous ne sommes pas seuls à avoir une bonne paire… d’essuie-glaces. Jeff est là, les gazelles Thomas, Jean-Phi survivent au déluge et se garent à bon port. Cary Grant vient à pied, il est sec. L’eau ne l’atteint plus. Le sac porté sur l’épaule, la démarche assurée, l’homme détaché ne craint plus la nature, il est nature. L’homme se dirigea le cœur réchauffé par le soleil de revoir ses potes, dans les vestiaires comme si de rien n’était. Un invité pour compléter la troupe et Titi termina la marche. L’homme vient en moto, il n’a pas d’essuie-glace et son choix se limite à sa venue. Il fait l’économie d’un va et vient. Titi vient un point c’est tout. Son crédo tient dans sa moto, plus le pare-brise est réduit, plus les horizons sont grands !

Les vestiaires feront exceptionnellement tribunes. Les maillots verts en partage et nous voilà à se chauffer sur le pré synthétique. Chacun a sa technique. Croucrou court sur deux terrains, le synthétique est trop petit et à contre sens. Jeff court sur place et tape la balle. Il chauffe le ballon. Ceux qui jouent collectifs, ceux qui jouent rapide et ceux qui s’étirent. Titi fuit le grand écart dans tout ça. Et le coup d’envoi est lancé. Les équipes sont réduites, le chiffre est impair par conséquent les gazelles seront séparées.

CrouCrou est un homme de mêlée. Il a ce je ne sais quoi qui le rend indispensable dans l’équipe. Un brin solide, un brin technique et surtout un petit côté Tullius Detritus . Sa ruse tient dans un mot ou un geste pour créer la zizanie dans l’équipe d’en face. L’homme et l’arme sont redoutables ! Le rugby est un sport solidaire, un « d » salutaire pour le solitaire. Et bien ce « d », Croucrou le cible et l’efface. Pourquoi les mêlées se relèvent ? C’est pour trouver le semeur. La tête baissée, il est invisible. Les têtes relevées, il reste invisible mais ce n’est pas pareil. Pour le soir c’est le Tarbais qui se prit au piège et embarqua du coup sa troupe. La zizanie est une arme parfaite de caractère. Elle est travaillée, végétale, insoupçonnable. Elle se cultive en somme. CrouCrou travaille en grand jardinier. Quelques mots bien placés et voilà le meneur de jeu adverse à la ramasse. A partir de là tout est affaire de patience et d’opportunité. L’équipe en face râle et se parle. Le piège en se refermant ouvre les espaces. CrouCrou continue à planter cette fois ci des essais par le biais de Thomas donnant des petits coups de pouces verts. La supériorité numérique ne put résister. L’ennemi est placé dans leur camp. Nous profitâmes de chaque brèche pour pointer la ligne. Et nous marquâmes contre le surplus numérique.

Cary supporte la pluie mais ne put rien devant ce désordre annoncé. Titi tenta de même des percées dont il a le secret, la course est belle, perforante et athlétique. Mais bon, la défense adverse était serrée physiquement et imparable psychologiquement. 21h34, le jeu se termine. Le score est élevé pour les verts. Au final 10 essais pour Thomas (en vert et contre tous) et un peu moins pour les autres. Croucrou a le sourire, celui d’un fameux devoir accompli, toute son équipe aussi. Le temps d’une douche pour effacer la pagaille et nous voilà tous ensemble prenant la direction du trou.

Faute de pré, je vins un peu plus tôt au trou, accompagné de Lolo. La Jacouille était là et avait entrepris une belote de comptoir avec Bernard et Joël qui était de bouffe. Nous nous joignîmes à eux. Le Tcho n'apparut que vers les 9:44, avec le pain mais sans Pépé, retenu par ses petites filles. Peu à peu, le trou se garnit. Chichement. Les vacances ont bon dos et l'histoire se répète. Il n'est que trop temps de recouvrer les vigueurs de nos rites. Après le pré, le trou. Un point c'est tout.

Joël avait pris sa trompette. Comme d'ordinaire. Si l'amiral vint, ce fut sans biniou. Pas de duo en perspective. Le Poulpe se mêla à nous avec sa sciatique. La faute au demi-marathon. Même si le ver était dans le fruit. Peu à peu, ceux du pré arrivèrent. Le Tarbais, Titi, Jeff, Jean-Phi, Régis, Hamilton, Cary Grant...
 
 

Pépé n'étant pas là, je le suppléais. On ne remplace pas Pépé, l'on prend sa place avec beaucoup d'humilité. Jacouille m'accorda son béret et je sonnais l'heure. Il n'était que trop temps de se mettre à table. "A table" hurlais-je sans grand succès. N'est pas pépé qui veut. Nous commençâmes donc avec quelque retard. Comme de coutume.

Dans une grande marmite en alliage gris, il y avait une soupe, une soupe de légumes. Avec beaucoup de choux de choix, des carottes, des navets peut-être, quelques oignons, de petits bouts de viande ovine, le tout marinant dans un bouillon mordoré. Une réussite. Joël prenait une mine détachée comme pour dire qu'il n'était pas pour grand chose dans cette réussite. Et pour ne pas s'attarder sur les vanités qu'il sait futiles, il se leva, empoigna sa trompette et lança un doigt qu'il demanda à Pépé de conduire, en l'occurrence moi qui ne suis pas Pépé et ne peut en aucune manière jouer les trompe-l'oeil. Ce fut un doigt bref. Mais un doigt quand même. Un doigt respectueux du trompettiste dont le visage rougissait à proportion de ses efforts. Puis, cramoisi, joël vint achever sa soupe.

Dans l'attente de la suite nous disputâmes du couple que forment la truie et le cochon. Pourquoi ? Et du masculin de pintade. Pourquoi ? D'autant que la suite consacrait le mouton. Un mouton mitonné avec ses pommes de terre et force romarin. Ce qui ne fut pas pour nous déplaire. Le romarin avait cette petite touche qui sépare le tout venant de l'élégance. Joël en quelque sorte était au diapason de son mouton. Et nous au diapason de Joël. Sitôt le mouton dégluti, il (Joël) reprit sa trompette et, sur ses propres paroles, et sous l'air de l'hymne bayonnais, nous fit chanter nos mardis. Sa trompette parfois sortait de son lit. Le chœur du trou mettait du cœur à l'ouvrage. Ce fut un moment d'une rare communion. Nous débarrassâmes les assiettes avec précipitation. Tant pis pour la salade. Elle serait servie après le lancer des assiettes à dessert. Qui servent également au fromage et, ce soir-là, à la salade.

Joël fait un sans-faute, sa partition est rodée. Il pointe le score parfait. En technique et en artistique, le castor en chef est au sommet. Pépé n’est pas là pour noter. En revanche le Tcho et Jacquot vivent la symphonie et pointent sans délibération. La question se pose au milieu de la table puisque l’autre bout est vide. Y-a-t-il une grille de notation différente pour la présidence ? Sur ce, Jean Pierre répondit 1-0 pour Manchester. Il fait le tour de Bouffe, il ne peut être partout ! Y-a-t il un championnat à part pour les hommes de tête ? Jeff en bon stagiaire soupire la réponse. Mes carbos ont bon dos et on ne m’avait pas dit qu’un coup de trompette, de cor ou de biniou assaisonnent les scores… Ne sont pas Prez qui veut ! L’Amiral est au-dessus de tout ça. La musique il connait. Il chante le fromage, la salade, la tarte aux pommes, tous les bonheurs du trou. Même s’il trouve pour sa part qu’il manque de chaleur marine, et des marins en nombre sur le bateau et surtout une pointe de morue à ce menu. Le marin est exigent comme la mer qui le porte. Tout se maitrise à table, par conséquent le hasard se fera au bout du bar dans une belote de comptoir. Dans l’atout, est-il obligatoire de monter ? Les règles du trou sont souples. Hervé en phase finale se désespère de la question. Les cartes du soir ne lui offrent que peu de providences au plus grand bonheur de Bardibule. Son dé aura vite fait le tour. Le dernier dé en course fut pour notre hôte. Il ne commande pas le hasard des cartes.

La météo est restée clémente. Les rites de l’ovalie et de notre cène veillent à l’équilibre de notre trou. Du coup, les essuie-glaces sont inutiles pour le retour. Le chemin se réconcilie dans leur destinée. Au-dessus les étoiles survivent aux nuages, la lune n’est pas encore complète et poursuit sa course pour l’être.

Le cuistot de bouffe: Ka matet ka matet KAAAA!!!

Par Le Barde et Bardibulle


L'heure d'été au printemps est toujours un peu avant l'heure. Quelle drôle d'idée que de ne pas laisser le temps aller son cours. Certes, le temps est une vue de l'esprit, une cadence imaginaire ; il n'est qu'un mot.

Le temps du rugby, c'est le pré, le kairos en somme. Et, il se branle de l'aiôn. Enfin, pas tout à fait. Car les saisons ont leur mot à dire dans l'exercice de ce kairos à nul autre pareil. Sur le pré, on éprouve le temps dans toute sa substance. Par le pré, le kairos et l'aiôn vont l'amble. ( l'on doit tout, ou presque, aux Grecs. Le kairos est un temps sans rapport avec la notion linéaire de chronos (temps physique). Ce n'est pas la montre qui le mesure mais ce que l'on ressent à un moment précis lorsque l'on se livre à ce qui vaut : le pré, l'art, l'amour. Sachant que l'amour du pré est la forme supérieure de l'art. L'aiôn, ce sont les saisons.)

Je dois à Perdigue ces pensées. Il me les confia lorsque nous nous croisâmes sur le parking de Musard. Il arrivait, je partais plus tôt que de coutume, par la faute d'une musculature vacillante. Mon kairos avait fait long feu. Le sien allait débuter. Je laissais mes compagnons taquiner le ballon.

Le mythe est à la rescousse quand la balle fout le camp. La balle tombe et la passe n’arrive pas, tout joueur se lamente et chacun joue du coup les Chronos. Le temps des anciens est comme pour les plus jeunes bien relatif. Sa perception diffère au gré du plaisir retrouvé. Son côté sadique est fait pour alimenter tout masochisme existentiel. Quand c’est bon, ça passe vite. Quand c’est chiant, le temps est long. Certains trouvèrent le temps trés long. Serge souffrait de tant d’imprécision. Il ne rigole pas à Lourdes. Le miracle se prie et se vénère au quotidien. Il ne remit pas en question sa foi mais seulement l’inconstance de ses paires. Le Barde prétexta une horloge musculaire pour se plier au trou. L’en avant se répète et pourrait s’entendre dans l’ordre de marche pour tout conquérant qui compte ses heures en soi. Que nenni ! Le général est absent même si le doc qui en a traversé des campagnes est bien là. L’en avant est dans le jeu nocturne une marche arrière. Et ce soir nous avons beaucoup reculé. Seul le ballon avance au dépit de toutes convenances. Question de vents, d’aléa ou de volonté divine, seuls les opportunistes prirent le trou. Le temps d’un mauvais repli, ou d’une défense endormie.

Les castors se plièrent à toutes ces règles. Le jeu du soir fut donc décousu. Le doc de son côté est philosophe. Il sait que le temps ne se mesure pas mais se vit. Il court pieds-nus et sans montre. Belle preuve de sa distance aux dieux du temps. Point de bracelets d’appartenance. Le temps pour se chausser est pour lui bien révolu. Il n’a plus la tête dans le ciel pour mieux garder les pieds sur terres. Domi fut en bourre de l’autre côté. Il n’accepte le temps qui l’effleure et se désespère des en avants perçus au loin. Pour lui l’en avant est un trouble de la perception. Quand le ballon tombe c’est simple. Nous l’aiôn tous fait ! Mais quand la passe est faite en avant pour celui qui le réceptionne la passe vient de derrière et ça complique tout. L’inversion du porteur peut être source de confusions. L’en avant du lanceur est un en arrière pour le receveur. Domi contrôle le temps, il potasse à ses heures et poursuit Céline dans son voyage au bout de la nuit. La règle pour lui reste une passe en arrière et dans le mouvement mais en fonction du repère prédéfini, sa vérité est bien parlante. La vitesse lui joue des tours. Son abnégation le rend malgré tout philosophe. Les joueurs à la ramasse pensent que la passe est mauvaise puisque ils sont sur des points de récupération, et espèrent l’en avant comme ultime rempart à leur ligne lamentée. Le fantasme est si fort qu’il se réalise dans la faute énoncée. Domi s’en fout quand il court il devient sourd.

Yves, au trou, était de bouffe. Des plateaux d'huîtres étaient disposés sur la table. Yves est fidèle à lui-même. Et c'est ainsi qu'on l'aime. Une fidélité généreuse. Une manière de ne pas rompre avec le temps. L'assemblée se garnit peu à peu.

Les derniers arrivants du pré arrivèrent après les dix coups de l'horloge. Pépé resta de marbre. Il y avait des huîtres à profusion. Titi les enquillait comme il enquille les essais. Il proposa de rebaptiser l'espèce que nous dégustions les Aguilera. Comme de bien entendu, des saucisses accompagnaient les mollusques bivalves. Elles étaient au goût d'Amélie et de Bernatetchate. Dommage que le barde des huîtres n'était pas des nôtres. Je veux, comme il se doit, parler de Walid. Ça et là des bouteilles de blanc suppléaient le Hauchat.

La marée se fit en plusieurs vagues. Les castors bons mangeurs nagèrent le papillon sur tous ces délices marines. Le petit beurre, le petit blanc, la petite saucisse, les petites huîtres l’en avant est dans la conquête et non dans la marche arrière. Comme quoi l’imprécision du pré reste au pré. Les coups de fourchettes sont précis et peu de maladresses sont à déplorer.

Yves enleva la buée sur ses lunettes. L’ambiance est chaude auprès des anciens. Il ôta ses coquilles et annonça la suite. Confit de Poule et sa pâte à la sauce bolognaise. Pépé eut des vapeurs, Tcho une bouffée de Tcholeur, Jacquot dénoua son cheuch. Yves posa ses lunettes. La quantité est présente. Le plan est bien construit n’est pas Archi qui veut. Le plaisir est dans le trou. Toute la table est en silence, la bouche pleine fait le respect, son silence sa parole !

La seconde de silence reste éphémère, le temps d’une bouchée et voilà la troupe à retrouver leurs joutes verbales et pousser la chansonnette. Le « la » est donné pour la voie lactée.

Le lancer d'assiettes fut douteux. Yves a du tempérament. Son lancer en fut l'illustration. Chacun d'être effrayé lorsqu'il armait son bras. Pépé resta de marbre. Le carreau, lui, était jonché de débris. Le fromage vint. Juste. Évident. C'est alors que le Tcho décida de nous proposer un rébus et d'ouvrir une nouvelle page du blog. Il n'en délivrera l'issue que lors du prochain blog. Sauf à ce que vos commentaires apportent la réponse :


Pour le trou, point d’énigme. Les castors quittèrent la table. Les rencontres en poursuite autour d’un verre, de dès, des escaliers, il faut peu de chose pour prolonger les plaisirs de la nuit. Yves serein navigue dans  cuisine, le sourire est de circonstance, la tâche est accomplie, son lancer sans blessé à déplorer et son orifice adoré bien comblé.

06 avril 2016

Le cuistot de Bouffe: Le général triomphe, les castors tombent

Par Le Barde et Réglisse,



C'est le printemps. L'heure d'été est là. Le printemps, c'est quand l'été est à l'heure. Le pré est printanier. En synthétique ou pas. Le printemps est une disposition de l'être , une façon d'aller à la vie plus gaiment. Même si, parfois, le gai ment. Ce n'est pas moi qui le dit, mais celui qui posséda la Création du monde de Courbet dont le Bardibule connaît les séminaires comme sa poche.

Comme d'ordinaire, nous étions une quinzaine. Alban avait eu la bonne idée d'apporter des chasubles verts fluo. En sorte que les rivaux d'un soir se différenciaient. Un hommage à Olivier Cadiot en somme. Nous trottinâmes donc comme des lapins. Certes, le ballon chut à de nombreuses reprises et trop de passes tutoyaient le synthétique à défaut de trouver les mains désirées. Le printemps, peut-être ? La passe bourgeonne et n'a pas encore acquis la maturité nécessaire. Reste que nos mœurs d'un soir étaient douces. Pas ou si peu de râles.

Titi était affûté, très affûté. D'une vigueur rare. Seb et Serge égaux à eux-mêmes. Toto virevoltait, Stéphane dédaignait la passe et Jean-Phi serpentait comme à son habitude. Un toucher vraiment printanier, alerte et primesautier. Jeff en étant la substance. Au bout du compte, il ne manquait que JB et Guitou pour que le printemps soit vraiment le printemps. Même si la Piballe était là.

A 21:36, le toucher s'interrompit. Quelques-uns s'escrimèrent au pied pour recouvrer des sensations d'antan. La plupart avaient rejoint le vestiaire et dissipaient leur surplus de sueur sous un mince filet d'eau en chantant des calembredaines.

Le Général nous attendait au trou. C'est peu dire que nous fûmes rares. Le castor déserte le trou. On ne déserte pas son antre, on le nourrit de sa présence. C'est bien tristounet cette longue table ponctuée de tabourets vides. Il est temps de se reprendre. Les quelques fidèles en eurent pour leur estomac. Tant pis pour les absents. Ce n'est quand même pas le bout du monde que d'accomplir les rites qui fondent les liens de notre petite communauté. Allez, trêve de regrets et attardons-nous sur les bienfaits du Général. D'autant qu'Amélie et Walid siégeaient parmi nous.
 
Le général est à la tête. Sa garde est réduite et ses fidèles sont présents. L’ordre est simplifié dans cette période de disette. Les hommes sont restés dans l’hiver. Ils ont du mal à se retourner de leurs conquêtes. Combien ne reviendront pas ? Le grognard est pala. La vieille garde reste en revanche toujours fidèle. Une armée d’intendance indispensable au soutien des troupes au sol. La stratégie trouve sa victoire dans la communication et le déplacement de toutes ses troupes. Peyo s’évertue de trouver de nouveaux adversaires mais en vain. Toute conquête se paie par le nombre. Un combat seul ou réduit ne peut se mener à terme. Nous partîmes 15 des vestiaires pour nous retrouver par un prompt renfort 15 au trou. Le tragique est là ! Le jeu se fait à quinze mais le trou en une rencontre. Le général n’est pas un général comme les autres. Il est généreux en général. La tête, il la prend dans la mêlée. A l’époque ses deux genoux tenaient bon. L’anesthésie était son domaine, la touche son devoir et l’éponge son désespoir. L’homme ne s’échappe pas au combat et pour ce soir il revêt sa plus belle tunique pour recevoir. Il en a parcouru des kilomètres, des pelouses, des mers. Ils visent le domaine de Poséidon et son amirauté. Le terrain de jeu pour le conquérant est bien plus vaste.

La tête de pont entre le bar et la table se fera par une soupe. Il est chou sur l’occasion. La garbure est un carbure pour les présents du soir. Peu seront au soutien. Pourtant la soupe est bonne. Il n’y a que des gros pour penser à garburer quand le manque se fait sentir. Le jeu se fait dans le solide. La mijote en légumes et en viandes réchauffent la mélancolie de tout combattant. Le général compte ses hommes. A chacun un regard. Il est ainsi le coup de la cuillère ou de la fourchette il les garde pour le terrain. Pépé portait son béret sur le côté. Il est toujours là pour le combat. Le Tcho frottait, astiquait ses ustensiles, Jacquot s’évadait dans sa nostalgie. Nombreux sont tombés. La troupe du soir est bien réduite.

Le général compte ses hommes et il sait que la troupe ne pourra faire face à ce qui les attend. La mission qu’il a acceptée sera réussie. « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » s’exclama Jacquot réincarné dans son duel en Don Rodrigue. « Le général triomphe mais les soldats tombent. » soupira le Tcho désespéré. La nostalgie des vieux est palpable. D’habitude la troupe s’étoffe en se rapprochant de toute adversité. La métaphore rugbystique est le regroupement nous pousse en permanence dans le comique tragédie de la vie. Il partit 1 avec le ballon et par un prompt renfort se retrouva en maul pour dépasser la ligne. C’est une constante des combats, le nombre et la masse doivent faire loi.
 
La soupe était juste un prélude au déluge. L’escarmouche est faite pour tester les forces en présence. Le hachis Parmentier bombardera son confit et ses saveurs sur le champ. L’assaut se fera en deux vagues, la stratégie du général est ambitieuse car malheureusement une seule suffira. Un gâchis pour tour ce hachis. Triste bilan de toutes guerres ratées ! Pépé sortit son casque lourd. Le tcho et Jacquot les cantines de secours. Les castors résistent jusqu’à l’abandon. Le général avait planifié une résistance plus solide et plus en nombre. Elle ne fut que solide ! Le Hachis aux confits aura raison des troupes restantes. Le plat sacrifia son jumeau. Le chef cuistot est avisé, il sait que tout combat se gagne en nombre et dans le courage impulsé par Sabite. Mais ce soir la troupe n’a pas de soutien. La pibale n’est toujours pas fourmi et s’acharne à servir la ration. Les castors s’épuisent et abandonnent un par un. Le plat de résistance porte fièrement son nom. Aucun ne pourra survivre à la deuxième tournée qui restera en cuisine. Le combat était inégal. Le général triomphe, les castors sont tombés !

Au lancer d'assiettes, le général excelle. Pas de déchets. Et le nombre n'importe pas. Quand on a la main juste, on a la main juste. Pour fromage, de beaux bries scindés en deux. Et un Hauchat de circonstance. Rien que de très ordinaire et de très agréable. L'ordinaire agréable, que demandez de plus.

Vint une tourtière aux pommes que nous eûmes le bon goût de flamber au Cognac. Et c'est Jeff qui accomplit la besogne. Avec un évident savoir-faire. La tourtière fut enfournée goulûment. Il n'en resta que quelques miettes. Serge semblait particulièrement conquis. Amélie itou. Le Général sait contenter son monde, fut-il petit. Bien sûr, il y avait un s'est d'amertume au fond de lui. La faute aux absents. Une amertume légitime.


Une sempiternelle belote de comptoir se dressa. Walid l'emporta comme d'habitude. Il a la main heureuse Walid mais il sait aussi forcer le destin. Le Baedibule un peu moins. Et Jeff pas du tout. Un darwinisme de comptoir en somme.

Douce était la nuit. Très douce. Repus, nous allions d'un pas lent et rêveur. La nuit est notre demeure.

01 avril 2016

Flag me to the Moon....

Par Le Barde et Bardibulle




Le flag a du bon ; il a même un soupçon d'âme. Cette manière de se tenir entre toucher et plaquer lui procure ce petit je ne sais quoi qui rehausse l'ordinaire. De là à parler d'âme, il y a un pas que l'on peut ne pas franchir. En fait, c'est Perdigue le fautif. A peine était-il arrivé à Musard que, regardant les étoiles, il chuchota "J'ai du flag à l'âme." Épris de son chuchotement, il crut bon de le partager dans le vestiaire et, passant du murmure à l'éructation, il hurla son bon mot sous le regard éploré de Jeff. Il est comme ça Perdigue. Son flag à l'âme fit un flop sans qu'il en fut meurtri.

Donc, nous jouions contre Parempuyre. Les riverains de la Jalle étaient nombreux, très nombreux. Nous, un peu moins et, à vrai dire, tout juste quinze. Grâce au douanier qui, arrivé sur le tard, sans tambour ni trompette, oublieux des effets nécessaires à la pratique de notre jeu, trouva quand même chaussure à son pied pour officier.

Nous nous répartîmes sur deux moitiés de terrain. A dix contre dix. Avec arbitre de part et d'autre. Nous nous mélangeâmes comme pour un clin d'œil à Montaigne. Nous nous en donnâmes à cœur joie. Arracher des lanières ceinturant un adversaire a un indubitable parfum d'enfance. L'exercice est difficile. Les essais tombaient à gravelotte, bien qu'il n'eût rien d'une bataille. Seb et Serge se régalaient. Pas Jean-Phi qui tira sa révérence.
 

Un spectateur inattendu nous encourageait. Yann était là en chair et en os. Tout de noir vêtu. Il a un côté Brando Yann, un côté Sur les quais. Il refoulait sa douleur de n'être pas du pré. Mais il était partis nous. Un moindre mal. Toto y allait de toutes ses cannes, vif, tranchant. La course de Stephane est plus déliée mais aussi efficace. Itou pour notre flagellent chef : Peyo. Les vieux faisaient contre fortune bon cœur. En l'occurrence, Dudu et moi-m'aime. Un bon moment.

L'homme du trou, c'est Pioupiou. Une chemise Ralph Lauren épousait son torse. Il avait bien fait les choses. Comme toujours. En préalable, une biérotte. Enfin plusieurs. Comme nous papotions au comptoir, dans l'attente de nos invités, nous, Le Poulpe, Nardibule et moi-m'aime, nous chantâmes Flying to the moon. Il y avait loin de nos imperfections chorales à la grâce de Sinatra. N'importe. Et Le Poulpe, par l'une de ses intuitions dont il a le secret, modifia le refrain de ce standard qui devint Flaging to the moon.

Faute de Pépé et de Tcho, le Poulpe et moi-même prirent leur place en bout de table. Et ce fut assez émouvant que d'emprunter leur présence. Nous nous sentions grandis, augmentés. La tablée était fournie. Les gens de la Jalle étaient venus en nombre. De bons compagnons. Nous nous mîmes à table. Sans Jean-Phi mais avec du Hauchat. En sorte qu'il était là sans y être. Toujours cette question de l'absence habitée, de la réification si l'on préfère.

Tout le monde est à table, les castors aux extrémités et les Jalliens au centre. Piou Piou est à la manœuvre. Il lance les hostilités. La bière dans les pichets se transforma pour la mise à table en eau. Le miracle est fait pour désaltérer et faireconcurrence au Sabite. Le passage est naturel. Les hommes sont assis et attendent la suite. Les discussions vont bon train, en même temps la source au trou n’est jamais tarie. Serge ne quitte son Tarbais, il se partage la salade piémontaise comme les feintes sur le pré. C’est l’école des Pyrénées. Les deux ont changé de camps. Le jeu pour eux est facile et ils le jouent en couple. L’adversité est pour l’instant dans la salade piémontaise. Elle est là face à eux. Piou Piou l’a façonnée pour répondre à la restauration des joueurs. Les muscles sans estomac c’est comme un Tarbais sans son stado. Un stado sans son zeste me susurre Thomas. Il court vite mais l’esprit ne lâche pas ces jambes. La salade envoie du boire. Elle est copieuse et bien fraîche. Les produits sont de la ferme et bien fermes. Serge redoubla le Tarbais sur la resserve. Les deux sur ce jeu ne font pas de feintes. Le jeu est simple. Les invités sont en masse. Le partage et la bonne ambiance est de mise. Les tournées de Sabite ne sont pas innocentes dans cette symbiose. Les petits rouleaux de printemps sont en chair et le cochon en affaire.

Le miracle accompli la bière en eau, le bar en table. Piou Piou professa pour muer l’entrée en plat principal. Les gesticulations et les incantations sont de mises pour débarrasser et apporter la suite. L’homme connait ses prières, les Jalliens se fondent dans la cène. Le cuistot du soir ne fait pas dans la dentelle ou dans le flag à l’âme. Même si pour la bête, un flag sans mêlée c’est comme un stado « sans son zeste » me susurra une nouvelle fois mon saint Thomas, taquin à ses heures. Le riz conquit le Piémont, la tête de pont est solide pour réceptionner la blanquette de veau. Les hommes et les castors sont aux anges. La verdure reste au pré pour le plus grand bonheur de nos papilles. La pelouse est faite pour le plaisir des appendices moteurs inférieurs. L’oralité est autre, elle a besoin de matière pour alimenter l’estomac et nos discussions. Point de salade au trou. Les invités apprécient et demandent à embrasser la cuisinière. L’accolade sera de mise pour récompenser le cuistot. Piou Piou hésita à leur faire la danse du ventre. Le bédouin est à la limite de se laisser convaincre, mais l’homme est à la tâche. Point de coin et de banane qui ne tiennent, le voile sera sur la chanson. Le cuistot est à l’honneur même si il joue pilier. C’est une subtilité langagière et phonétique qui joue pèle mêle la rencontre. Les estomacs sont repus. Les muscles réconfortés, le rite de la réception maison bien assurée. Il nous manque le biniou de l’Amiral parti sur d’autres mers. Les chants sacrés de Saint Jean Phi. Il chante comme il vinifie le raisin. Il manie chaque artifice des plaisirs du vivant. Celui qui parle seul est fou, mais celui qui chante tout seul est tout simplement heureux. Perdigue sourcilla et se mit à chanter son « flag à l’âme ». Le barbu n’est pas fou, poète, jongleur et rêveur sûrement. Il chante dans toutes les langues. Sa chanson est au trou l’amorce d’une prière au lactée. Les invités découvrent le trou.

Le Tarbais de son côté vieillit. Et comme ces montagnes, nous ne lui donnons pas d’âge. Il fut désigné volontaire pour lancer les soucoupes blanches. Piou Piou ayant déjà accompli sa deuxième procession. Le geste est libéré, décomplexé, l’homme a du doigté. Il jouerait du piano, il se rapprocherait à s’y méprendre de JB. Des virtuoses dans l’art de la passe. Il se taquine dans l’ouverture et dans le demi. La casse est insignifiante face à la maitrise de l’expérience. Serge souffla son cierge. Point de beau geste sans sacré ! Les sourires sont de mises, l’extase fait son œuvre. Jacquot compte les bris et étala son brie. Le choix est multiple. Le café est lancé, les cannelés sont éparpillés. Certains en oublie le printemps et se fond une réserve. Il n’y a pas de mal à se faire du bien. Et c’est le printemps. Le printemps nous rapproche de l’été et nous amène à penser à notre guitou, itou…

Parempuyre s’ éclipse en s’honorant de son dernier verre. Peyo accepte l’échange. Le trou retrouva peu à peu son silence. Dehors le Tarbais s’incline devant le temps et donne de nouveaux rendez-vous. L’appel est fait, le champagne est annoncé, l’offre pour sa conquête annuelle réunie les castors vers d’autres bulles communes.