06 avril 2016

Le cuistot de Bouffe: Le général triomphe, les castors tombent

Par Le Barde et Réglisse,



C'est le printemps. L'heure d'été est là. Le printemps, c'est quand l'été est à l'heure. Le pré est printanier. En synthétique ou pas. Le printemps est une disposition de l'être , une façon d'aller à la vie plus gaiment. Même si, parfois, le gai ment. Ce n'est pas moi qui le dit, mais celui qui posséda la Création du monde de Courbet dont le Bardibule connaît les séminaires comme sa poche.

Comme d'ordinaire, nous étions une quinzaine. Alban avait eu la bonne idée d'apporter des chasubles verts fluo. En sorte que les rivaux d'un soir se différenciaient. Un hommage à Olivier Cadiot en somme. Nous trottinâmes donc comme des lapins. Certes, le ballon chut à de nombreuses reprises et trop de passes tutoyaient le synthétique à défaut de trouver les mains désirées. Le printemps, peut-être ? La passe bourgeonne et n'a pas encore acquis la maturité nécessaire. Reste que nos mœurs d'un soir étaient douces. Pas ou si peu de râles.

Titi était affûté, très affûté. D'une vigueur rare. Seb et Serge égaux à eux-mêmes. Toto virevoltait, Stéphane dédaignait la passe et Jean-Phi serpentait comme à son habitude. Un toucher vraiment printanier, alerte et primesautier. Jeff en étant la substance. Au bout du compte, il ne manquait que JB et Guitou pour que le printemps soit vraiment le printemps. Même si la Piballe était là.

A 21:36, le toucher s'interrompit. Quelques-uns s'escrimèrent au pied pour recouvrer des sensations d'antan. La plupart avaient rejoint le vestiaire et dissipaient leur surplus de sueur sous un mince filet d'eau en chantant des calembredaines.

Le Général nous attendait au trou. C'est peu dire que nous fûmes rares. Le castor déserte le trou. On ne déserte pas son antre, on le nourrit de sa présence. C'est bien tristounet cette longue table ponctuée de tabourets vides. Il est temps de se reprendre. Les quelques fidèles en eurent pour leur estomac. Tant pis pour les absents. Ce n'est quand même pas le bout du monde que d'accomplir les rites qui fondent les liens de notre petite communauté. Allez, trêve de regrets et attardons-nous sur les bienfaits du Général. D'autant qu'Amélie et Walid siégeaient parmi nous.
 
Le général est à la tête. Sa garde est réduite et ses fidèles sont présents. L’ordre est simplifié dans cette période de disette. Les hommes sont restés dans l’hiver. Ils ont du mal à se retourner de leurs conquêtes. Combien ne reviendront pas ? Le grognard est pala. La vieille garde reste en revanche toujours fidèle. Une armée d’intendance indispensable au soutien des troupes au sol. La stratégie trouve sa victoire dans la communication et le déplacement de toutes ses troupes. Peyo s’évertue de trouver de nouveaux adversaires mais en vain. Toute conquête se paie par le nombre. Un combat seul ou réduit ne peut se mener à terme. Nous partîmes 15 des vestiaires pour nous retrouver par un prompt renfort 15 au trou. Le tragique est là ! Le jeu se fait à quinze mais le trou en une rencontre. Le général n’est pas un général comme les autres. Il est généreux en général. La tête, il la prend dans la mêlée. A l’époque ses deux genoux tenaient bon. L’anesthésie était son domaine, la touche son devoir et l’éponge son désespoir. L’homme ne s’échappe pas au combat et pour ce soir il revêt sa plus belle tunique pour recevoir. Il en a parcouru des kilomètres, des pelouses, des mers. Ils visent le domaine de Poséidon et son amirauté. Le terrain de jeu pour le conquérant est bien plus vaste.

La tête de pont entre le bar et la table se fera par une soupe. Il est chou sur l’occasion. La garbure est un carbure pour les présents du soir. Peu seront au soutien. Pourtant la soupe est bonne. Il n’y a que des gros pour penser à garburer quand le manque se fait sentir. Le jeu se fait dans le solide. La mijote en légumes et en viandes réchauffent la mélancolie de tout combattant. Le général compte ses hommes. A chacun un regard. Il est ainsi le coup de la cuillère ou de la fourchette il les garde pour le terrain. Pépé portait son béret sur le côté. Il est toujours là pour le combat. Le Tcho frottait, astiquait ses ustensiles, Jacquot s’évadait dans sa nostalgie. Nombreux sont tombés. La troupe du soir est bien réduite.

Le général compte ses hommes et il sait que la troupe ne pourra faire face à ce qui les attend. La mission qu’il a acceptée sera réussie. « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » s’exclama Jacquot réincarné dans son duel en Don Rodrigue. « Le général triomphe mais les soldats tombent. » soupira le Tcho désespéré. La nostalgie des vieux est palpable. D’habitude la troupe s’étoffe en se rapprochant de toute adversité. La métaphore rugbystique est le regroupement nous pousse en permanence dans le comique tragédie de la vie. Il partit 1 avec le ballon et par un prompt renfort se retrouva en maul pour dépasser la ligne. C’est une constante des combats, le nombre et la masse doivent faire loi.
 
La soupe était juste un prélude au déluge. L’escarmouche est faite pour tester les forces en présence. Le hachis Parmentier bombardera son confit et ses saveurs sur le champ. L’assaut se fera en deux vagues, la stratégie du général est ambitieuse car malheureusement une seule suffira. Un gâchis pour tour ce hachis. Triste bilan de toutes guerres ratées ! Pépé sortit son casque lourd. Le tcho et Jacquot les cantines de secours. Les castors résistent jusqu’à l’abandon. Le général avait planifié une résistance plus solide et plus en nombre. Elle ne fut que solide ! Le Hachis aux confits aura raison des troupes restantes. Le plat sacrifia son jumeau. Le chef cuistot est avisé, il sait que tout combat se gagne en nombre et dans le courage impulsé par Sabite. Mais ce soir la troupe n’a pas de soutien. La pibale n’est toujours pas fourmi et s’acharne à servir la ration. Les castors s’épuisent et abandonnent un par un. Le plat de résistance porte fièrement son nom. Aucun ne pourra survivre à la deuxième tournée qui restera en cuisine. Le combat était inégal. Le général triomphe, les castors sont tombés !

Au lancer d'assiettes, le général excelle. Pas de déchets. Et le nombre n'importe pas. Quand on a la main juste, on a la main juste. Pour fromage, de beaux bries scindés en deux. Et un Hauchat de circonstance. Rien que de très ordinaire et de très agréable. L'ordinaire agréable, que demandez de plus.

Vint une tourtière aux pommes que nous eûmes le bon goût de flamber au Cognac. Et c'est Jeff qui accomplit la besogne. Avec un évident savoir-faire. La tourtière fut enfournée goulûment. Il n'en resta que quelques miettes. Serge semblait particulièrement conquis. Amélie itou. Le Général sait contenter son monde, fut-il petit. Bien sûr, il y avait un s'est d'amertume au fond de lui. La faute aux absents. Une amertume légitime.


Une sempiternelle belote de comptoir se dressa. Walid l'emporta comme d'habitude. Il a la main heureuse Walid mais il sait aussi forcer le destin. Le Baedibule un peu moins. Et Jeff pas du tout. Un darwinisme de comptoir en somme.

Douce était la nuit. Très douce. Repus, nous allions d'un pas lent et rêveur. La nuit est notre demeure.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Que je dedaignasse la passe au moment opportun, il peut m'être reproché,
Mais que je vous en privasse à dessein serait assurément exagéré.
Bises by Pinch'