22 avril 2016

Le cuistot de Bouffe, Peyo ou la ruée vers l'or...loff

Par Le Barde et Bardibulle


Le pré était très convenablement rempli. Il y a belle lurette que nous n'avions été si nombreux. Une bonne vingtaine. Le printemps est là. Même Miguel participait à nos joutes paisibles. Et Pioupiou, accompagné de son petiot. Le Préside nous rejoignit sur le tard, après une île qui à défaut d'être Belle est d'Yeu ; ce qui n'enlève rien à ses charmes. Serge et le Tarbais assumaient leur gémellité pyrénéenne. Hamilton et Dudu leur faisaient face. Un duel de Titan. D'autant que Lolo, également flanqué de sa descendance était de pré. Un duel entre deux lignes en somme. Avec ses ratures, ses trouvailles, sa ponctuation. Le rugby est une phrase.

Le jeu fut vif, à défaut d'être parfait. Quelques ballons jonchèrent le sol comme autant de feuilles mortes. Un comble pour une soirée printanière. Il est vrai que JB n'était pas là. Sans lui, nous sommes orphelins. Comme nous sommes orphelins sans Guitou. Une banale affaire de repères dirait Lacan. D'heureux pères si l'on préfère. A chacun sa famille. Nous, sur le pré, on a la nôtre.

Force est de reconnaître à Titi cette faculté d'incarner une tradition du beau jeu. Par lui, le passé traîne ses restes dans le présent. Et c'est bien. La course est droite, juste, altière, altruiste. Dominique, inspiré, confirma que deux mains valent mieux qu'une lorsqu'il s'agit de faire une passe. Et Jean-Phi serpentait sans fin le long du synthétique. Au grand dam des siens. Il est insaisissable Jean-Phi ; c'est ainsi. Un serpent de pré.

Comme de bien entendu, ça parlait. Parfois un peu trop. Il y a ceux qui sont garants de la règle et les autres. Les garants de la règle sont frappés d'aveuglement, ou, si l'on préfère, ils sont narcissiques. C'est-à-dire qu'ils ne voient de fautes que chez leurs adversaires. La Piballe, indifférent, filait son arithmétique arbitraire. Lors que Toto filait vers son coin de paradis ayant, comme d'ordinaire, quelque chose d'un ange.

Peyo avait pris soin de demander à tout un chacun s'il serait du trou. En sorte que nous étions enfin d'une quantité acceptable. Des endives tapinaient sur la nappe blanche, attendant leurs noix et leur assaisonnement. Guitou était là, fringant, élégant, tel qu'en lui-même. Et c'était un pur moment de bonheur que de l'avoir enfin parmi nous. Pépé était de retour. Pas un mot sur nos retards habituels. Il paraissait heureux. Le Tcho itou. La salade ne fut qu'une formalité. Nous attendions le reste avec impatience.

Le trou était comblé. Les castors sont en masse pour le plus grand bonheur des anciens. Ils ont risqué un torticolis vertical à l’arrivée échelonnée des joueurs et horizontal pour le passage du bar à table. La descente et le va et vient ont mis à rude épreuve nos vieux casse-cous. Ils ont tenu le siège de l’hiver et se retrouvent au printemps pour chauffer leurs cervicales. Pépé à ses heures devient cascadeur. Son béret est son sein protecteur, sans lui il serait devenu chameau, un animal à deux bosses. Le Tcho, lui reste un homme qui tombe à pic. Les deux font vraiment la paire. Notre Pépé Tcho à nous ! Kermit et la cochonne n’ont qu’à bien se tenir. Bernachatte suit toutes leurs aventures sur son téléphone. Un vrai Geek jogger. Mais nos compères sur leur balcon se jouissent du monde et du rôti Orloff. Ils ont de la hauteur sur les choses. Ils en ont dégusté des merveilles du trou. Ils maintiennent leur place et lutte contre les poussées intempestives d’une jeunesse trop pressée. Le duo est solide et Jacquot leur complice de toujours un atout de choc. Il y a du monde au balcon. Le traiteur avait de la hauteur, son échelle du temps se graduait avec trois générations. C’est beau tout ce temps au trou ! Le temps pourrait se courber pour la naissance du monde mais d’après Einstein tout cela n’est que relatif. Mais les trois (compères) restent bien droits et savourent l’ambiance. Le rôti est fait pour les princes. Le veau ou le porc se cuisine à l’Orloff. Peyo nous a offert un rôti des anges. Il fallait y penser et Peyo l’a fait. Nous chantâmes quand vient la fin de l’été, car le rôti dans sa perfection se conjugue avec l’imparfait, un présent qui passe en somme. Sa saveur fait sa durée. Une longévité gustative et gastronomique digne des princes que nous sommes. Une durée éphémère me susurre Poussou, car « le plaisir se savoure en bouche et vide mon assiette ». Nous bûmes du coup du Sabite. Le vin est une offrande. Les légumes de leurs côtés étaient colorés. Peyo est un magicien. Les assiettes se font une nouvelle virginité après chaque resserve. Il nous rappelle que le divin est simple comme un bon rôti sans sa ficelle. Nous étions comblés, notre Guitou avec le sourire battait le rythme de sa chanson. Il est un descendant de mousquetaires. Comme d’Artagnan et Aramis, malgré les épreuves il préserve sa Constance.

Le lancer fut quasiment parfait. Dominique excepté. La faute à ses habitudes de manchot. Mais il sait se voltiger ; la prochaine fois sera la bonne. Une tome de Savoie à damner tous les saints nous régala. Il n'en resta pas une miette. Peyo n'était que dans le bon goût. Et ce fut la surprise d'un dessert à base de pâte feuilletée et de Nutella. Une heureuse trouvaille qui, sans doute, devait beaucoup à Olympia. Il a un côté Manet Peyo et le dessert fit long feu. Il nous servit un patxaran de derrière les fagots pour clôturer nos douces agapes.

Une belote de comptoir se dressa. Hamilton l'emporta. La dernière place se joua entre Amélie et le Tarbais. Vaincu, de guerre lasse, Amélie adressa sur le minois du Tarbais une carte neuve et coupante qui lui entailla la joue. Le Tarbais exagéra ses maux. Mais s'épargna la dernière place.

Il ne nous restait plus qu'à quitter le trou, rejoindre la nuit et nous laissait porter par les langueurs du soir. Peyo était heureux. En jetant un œil vers la voie lactée, il fit un salut complice à sa bonne étoile, celle qui d'aimer nous convie comme dirait l'Alighier. Le bon docteur se réveilla et sourit. Pépé, lui, ronflait déjà. Quant au Tcho...

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