27 novembre 2010

Le cuistot de la semaine, pile (et) poil dans le patrimoine

Par Le Blogueur


Vous l'avez compris, ceux qui y étaient comme ceux qui n'y étaient pas, en Argentine, c'était le printemps. On espérait alors voir quelques couples de coatis, capucins ou cochons sauvages sur la route de nos nombreuses escapades, motivés par le cycle inébranlable de la vie pour copuler à l'ombre des peupliers ou dans les creux des Andes, mais il n'en fut rien. On a beau pister et écarquiller les yeux, aucune scène bucolique ne fut donnée à nos yeux avides de reproduction sauvage.
Mais comme la vie se crée là où on l'attend pas, c'est sur la terre que nous avions quitté, au trou que nous avions délaissé, que le règne animal a dicté sa loi et qu'un étrange couple, mi-coati, mi-capucin, mi cochon, mi sauvage, s'était formé.
Si ce couple était resté mystérieux depuis notre retour, évitant de s'annoncer pour le tour de bouffe, c'est mardi 23 novembre à 21h45 que Luc et Yann (ou Yann et Luc) furent découverts, tapis dans le terrier des castors, dévoilant à la face des sciences rationnelles que les mystères de la vie ont de beaux jours devant eux et que si l'on continue à découvrir des espèces de grenouille dans la forêt amazonienne, chez nous, au trou, la reproduction n'a pas livré tous ses secrets.
Si cette découverte, un mardi, un peu avant le repas, n'a pas encore était totalement étudiée, disséquée et analysée, Luc et Yann (ou Yann et Luc), sont d'ores et déjà une célébration pour l'humanité et pour son patrimoine. Ils sont par la même occasion les cuistots associés pour fêter la gastronomie française.
Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? La gastronomie française vient d'entrer au patrimoine immatériel de l’humanité.
Je veux bien que le reste du monde s'en foute mais nous, non ! Là, non c'est pas possible. Si nous on ne s'y intéresse pas, qui va le faire. C'est logique. On s’intéresse toujours davantage aux choses de chez nous. Quoi de plus humain ?
Regardez, les Arméniens ont sans doute fêté la distinction de leurs khatchkar, les Belges le carnaval d’Alost, les Chinois l’acupuncture et la moxibustion, les Colombiens le système normatif wayuu, les Indiens la danse chhau et le théâtre rituel mudiyettu, les Iraniens la musique des Bakhshis du Khorasan et les tapis de Kashan, les Japonais le yuki-tsumugi, les Lituaniens les sutartinés, les Mexicains la pirekua, les Mongols le chant traditionnel khöömei, les Péruviens la huaconada, les Tchèques le carnaval de Hlinecko, les Coréens le daemokjang, les Turcs le festival de lutte à l’huile de Kirkpinar… comme les 46 pratiques culturelles que l’Unesco vient d’inscrire sur sa liste.
Rendons donc hommage à ce qui nous revient, la gastronomie ?
Je le sais, il y en a qui auraient largement préféré une partie de lutte à l'huile de Kirkpinar avec une tisseuse de Yuki-tsumagi sur un tapis Kashan et une petite musique mongole khöömei dans une cahute typique daemokjang !
Oui mais non... c'est pas possible. Nous c'est la gastronomie, et pour ça, il fallait bien deux gastronomes, qui ont l'air de si bien s'entendre qu'on prendrait Têtu pour une mauvaise copie de Spirou.
C'est parti ! Les festivités démarrent. Et là, attention, Bernard a prévu le show : la vidéo des 42 en Argentine qui a des fortes chances de détrôner la vidéo du sauvetage en direct des 33 au Chili qui a passionné le monde !
A l'heure de la visite du cimetière de la Recoleta, on attaque, dans une ambiance joyeuse et de circonstance, la terrine de saumon. On ne saura pas qui des deux a bien pu faire une chose pareille. Leur fusion est totale et la vie est tellement plus belle à deux que personne n'avoue la paternité de la terrine. On saura juste que Luc a envoyé la mayonnaise, ce qui pourrait déjà nous donner une piste sur leur sexualité.
A la dernière bouchée, voici la tombe d'Eva Peron. Exclamation et prosternation solennelle dans le trou. Je vais vous faire un aveu, j'ai entendu tout le monde avec des Eva Peron par ci et des Eva Peron par là, des Evita par ci et des Evita par là, que je n'ai même pas osé demander qui était Eva Peron. Alors, j'ai fermé ma gueule. Là, Jacquouille m'a achevé, quand il s'est mis lui aussi à parler d'Eva Peron, je me suis dit que c'était peut être une célèbre charcuterie argentine, une saucisse, un boudin, un jambon, qu'on aurait mis à la Recoleta parce qu'on savait pas où la mettre.
Arrivé au flambant match de rugby contre le Liceo Rugby Club, déboule la marmite de saucisses aux lentilles. Un plat simple et à la fois compliqué à réussir, qui illustre toute la finesse de la gastronomie française. Surtout que plus la saucisse est grosse et grasse, plus la cuisson exige de subtilités entre le croquant de la lentille et le fondant de la saucisse. On dirait pas comme ça, mais nos deux lascars maitrisent bien la saucisse ! Encore un indice.
Les rires s'enchainent devant ce qu'on croyait être des ralentis du match. On passe les détails sur cette prestation, tout le monde la tête dans sa saucisse, en attendant l'exploit des grimpeurs qui ont failli laisser leurs vies face au col de l'Aconcagua comme Evita a laissé la sienne au col de l'utérus (eh oui, j'ai regardé wikipédia depuis en loucedé, hé !).
L'harmonie et la symbiose du couple gastronome se révèle même dans le lancer d'assiettes. Le fromage, fleuron de la gastronomie française, arrive sans chanson, les yeux de tous fixés sur la troisième cassette des Archiballs carnivores sur le enième asado, c'est déjà plus passionnant que le match de rugby. Le dessert subit le même sort, tartes et tartelettes à l'heure de Pena Baiona qui en a fait ramer plus d'un.
La gastronomie enfin classée, je suis impatient de fêter l'inscription du Flamenco la semaine prochaine avec toute l'alegria de Florian Faye, Olé.

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