20 octobre 2007

Rugby or not to be

Qu'il ne se terre pas dans son silence celui qui veut vivre heureux, chantait le poète Argentin Atahualpa Yupanqui. Eh bien c'est fait, pour être heureux, on est heureux puisque, depuis, les portes sont grandes ouvertes pour casser Laporte. Surtout que la loi sur l'immunité (votée officieusement en 1998 et qui porte le nom de Mémé Jacquet) est levée sur le sélectionneur national, tout le monde y va franco.
Jusqu'à maintenant, personne n'osait trop rien dire, se disant, pour se taire, qu'il a peut-être raison celui qui a « la tête d'un ballon de rugby avec des petites lunettes rondes » (Sud-Ouest). Bien qu'il y ait eu une exception malicieuse lancée par Jean-Baptiste Elissalde au lendemain de la première déroute contre l'Argentine : on a perdu à 45, jetant les quinze membres du staff dans le même bain que les trente joueurs, qui, rappelons le, étaient formés, programmés, protégés et promis à la victoire qui fait graver la France sur la petiote coupe du monde. Eh bien non, la liste s'allongera sans, pour l'instant.
Celui qu'on entendait hurler dans les vestiaires « Pas de fautes ! Pas de fautes ! Pas de fautes ! » a fini par en faire plein sans jamais l'admettre, le genre Fais-ce-que-je-te-dis-mais-pas-ce-que-je-fais. Mais il nous prend pour des jambons ! Laurent Bénézech va même jusqu'à le soupçonner d'avoir divisé pour mieux régner en évitant de mettre en place une équipe type et en fourguant le capitanat à trois joueurs différents en six match ! (L'Équipe)
Et le stage commando ? ben non, pétard mouillé.
Et la chasse au lapin à mains nues pour ce nourrir le soir avant de prendre le pédalo dans la nuit sur un lac gelé où le jeu était de retrouver son chemin ? non plus, c'était pour voir s'ils mangeaient du lapin.
Et les quatre mois de préparation qui ont coûté la peau du cul de lapin ? walou, Koh Lanta sans la téloche.
Évidemment sans la téloche… la téloche a autre chose à se mettre sous la dent et plein les poches. TF1 est désormais la chaîne de rugby qui recycle les Gilardi en les dopant au Lacroix.
« Alors que la chaîne va de records en records d'audience à chaque sortie du XV de France lors de cette Coupe du monde - ils étaient 16,7 millions de téléspectateurs réunis devant leur petit écran pour le quart de finale face aux All Blacks - TF1, qui s'était offert les droits exclusifs de diffusion de la compétition pour 40 millions d'euros (plus 40 millions d'euros pour la prochaine édition en 2011), auxquels s'ajoutent 10 millions d'euros de frais de production, a déjà engrangé quelques 33,674 millions d'euros de recettes publicitaires depuis le coup d'envoi de l'épreuve et jusqu'aux demi-finales de ce week-end. Le seul choc entre All Blacks et joueurs français a rapporté à la chaîne 4,5 millions d'euros ! » (Nouvel Obs)
Y a des smicards ? Vous ne comprenez rien, eh ben vous n'allez rien comprendre de ce qui suit.
En plus de TF1, « cette espèce de soldat prussien nommé Bernard Laporte » (Courrier international) tire lui aussi les meilleurs marrons du feu malgré les (dé)mêlés avec notre charmant fisc. « Le sélectionneur se rasait avec un Bic, utilisait des piles Duracell, vantait l'excellence du champagne Lanson, appréciait le jambon Madrange et les pains de l'Epi gaulois du Sud-Ouest, ne dédaignait pas à l'occasion de boire une cuvée de gaillac, voyait clair avec les lunettes Grand Optical, s'assurait chez Quatrem, se chaussait chez Nike, donnait du Canicaf à son chien, appelait ses amis depuis un portable Orange...
A l'occasion, il intervenait aussi lors de séminaires d'entreprises, monnayant sa prestation entre 10 000 et 20 000 euros. » (Sud Ouest)
Le secret de sa forme ? Son agent : Serge Benaïm.
Depuis plusieurs années, Bernard Laporte profitait de sa notoriété grandissante pour faire la promotion d'un nombre important de marques auxquelles il avait vendu son image. Lié par une quinzaine de contrats, il empochait 700 000 euros net par an. Sa nomination au gouvernement le contraint aujourd'hui à cesser ces collaborations lucratives qui en faisaient un personnage familier des tranches de pub. Mais fisc ou pas, le Président en veut. Pourtant, le sélectionneur a été approché par le camembert Président, mais il n'a pas eu assez d'humour pour y aller. Pas assez non plus pour le camembert Le Petit, il avait peur de vexer son copain de trois ans. Classe le Laporte, il va quand même pas y aller avec la louche, ni le dos de la cuiller (qui a planté Clerc en pleine course). Il y a des choses à ne pas faire. Ne (par)touche pas à mon pote Laporte !
Pour en venir au gouvernement, « le nouveau secrétaire d'Etat devra rapidement faire la clarté sur la façon dont il compte mettre entre parenthèses ses activités commerciales. Il envisage, semble-t-il, de regrouper ses participations au sein d'une entité juridique et d'en confier la gestion à un établissement financier. En droit anglo-saxon, ce type de société s'appelle un trust. Le trust Bernard Laporte. L'enfant de Gaillac n'est jamais à court d'idées ! » (Sud-Ouest).
Mais comme le dit l'adage, plus on est de fous, plus on rigole. Et là, ami smicard, tu ne vas rien comprendre non plus ! A côté de TF1 et de Laporte, la troisième fortune de la grande famille du rugby n'est autre que l'IRB que notre Lapasset indécrotable vient tout fraîchement de présider. Pour celle qui, jusqu'à hier, était tenue par un Irlandais qui ne voulait pas d'une compétition comme la Coupe du monde, la coupe est pleine de sous.
La petite ville de Clapiers (Hérault) accueillait l'équipe du Tonga. La commune avait planté une banderole à l'entrée du village : "Coupe du monde de rugby 2007 : Clapiers accueille le Tonga". Tollé à l'IRB, on se demande presque comment ils ont pu avoir connaissance de cette marque de chaleureux accueil. Il a fallu la remplacer. Le maire reçoit l'info qui lui signale que Coupe du monde de rugby était une marque déposée et qu'il faut verser des royalties pour son utilisation ! Le fric, c'est chic.
Entre Cardiff et Strasbourg, c'est le premier qui a été retenu pour le match de quart de finale (étonnement célèbre par la victoire de la France sur la Nouvelle Zélande). De tout l'Est de la France, aucun ne pouvait se réjouir d'un match non loin de chez lui. Pourquoi ? Parce que Strasbourg, seul stade possédant une infrastructure du coin à la hauteur de l'événement, a exigé le contrat avant d'accepter la proposition. Le contrat se faisant attendre, le quart de finale s'est joué ailleurs (Le téléphone sonne - France Inter). Les autres villes découvrent après les matches de poule ce que Lapasset a signé en leurs noms avec l'IRB (en tant que candidat mielleux et conciliant), beaucoup découvrent alors le peu d'intérêt de l'affaire. Sans compter que « le GIP (groupement d'intérêt public réunissant la Fédération française de rugby, l'Etat et le Comité national olympique) fait supporter une partie des frais d'hébergement aux collectivités locales. Pour accueillir une grande équipe, elles déboursent entre 150 000 et 300 000 euros. L'aménagement des stades leur incombe également. En échange, on leur fait miroiter les dizaines de milliers de supporteurs qui ne manqueront pas d'alimenter l'économie locale. Le public sera là, au-delà de toute espérance. Malgré plus de 2 millions de billets vendus et un taux de remplissage de 90 %, le GIP ne devrait pourtant dégager qu'un bénéfice d'une dizaine de millions d'euros. Une marge bien faible. Le GIP n'avait guère intérêt à faire plus : une clause stipule qu'au delà de 20 millions d'euros, les bénéfices supplémentaires reviennent pour 70 %... à l'IRB » (Le Monde). Quant à l'IRB, entre langue de bois et offusquage à trois balles dès qu'on leur parle sous, l'affaire rapporte 150 millions d'euros. Si le smicard n'a toujours pas de repères, en gros, l'IRB retient 98 % de ses recettes de la Coupe du monde.
Conclusion : On s'est déboîté les mâchoires à crier Allez les bleus pendant que d'autres vociféraient Allez du blé ! Planète Rugby, ici la Terre, vous me recevez ?
Allez, pour finir, un petit Don't cry for me Argentina pour la route et tant pis pour le dernier tango à Paris.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

quel talent de journaliste !C'est plus un blog, c'est Le Monde, Libé... Bon maintenant que l'autre nase est parti, vivement demain. Le rugby français est-il cependant capable de se moderniser, de s'ouvrir au monde autrement que par l'argent ? C'est pas avec l'armée d'éclopés qui est à sa tête que l'on y arrivera. Rien ne vaut la baballe à Musard !
le barde